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Le Pont des soupirs

Titel: Le Pont des soupirs Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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voûte, une fumée âcre déroula ses volutes…
    « Sauve qui peut ! hurlèrent des voix affolées tandis que retentissait le rire puissant du condamné. Sauve qui peut ! La foudre est sur le pont ! Le pont est en feu ! »
    A ce moment précis, un spectacle inouï acheva d’épouvanter gardes, prêtre et bourreau !
    Au bout du pont, à l’entrée des prisons, un homme apparut, un colosse velu, avec les bras nus, la poitrine nue, le visage livide, les muscles saillants, comme prêts à crever la peau. Il était fantastique, fabuleux. Et c’était quelque chose d’énorme qu’il portait sur sa tête, une pierre monstrueuse, une dalle géante…
    Cet homme, cet être cyclopéen, poussa droit devant lui comme une tempête qui se fût mêlée à la tempête du ciel. Le bloc qu’il portait sur la tête renversa sept, ou huit gardes, qui roulèrent, le front fendu. Et dans le boyau du pont fuligineux, dans le tumulte des coups de tonnerre, dans l’épouvante des spectateurs, il bondit, s’arrêta devant la fenêtre grillée… On vit un instant la dalle se balancer au bout de ses deux bras de titan, puis cette dalle lancée comme une catapulte vola, heurta formidablement les barreaux de la fenêtre, passa, tomba dans le canal avec cinq ou six grosses pierres arrachées, déchirées par le choc…
    En même temps, Scalabrino saisit Roland, et par le trou béant, sauta dans le vide…
    Des coups d’arquebuse retentirent… mais l’instant d’après, les gardes massés dans le boyau du pont reculèrent, aveuglés, asphyxiés par l’épaisse fumée… Le pont brûlait… le feu se communiquait au palais ducal !
    Roland se sentit d’abord entraîné au fond de l’eau et son pied toucha le lit du canal. Il était dans cet état de surexcitation nerveuse où on accomplit des prodiges. Il se mit à nager entre deux eaux, cherchant à gagner le plus possible à chaque brasse, en s’éloignant du Pont des Soupirs. Près d’une demi-minute s’écoula ainsi. A ce moment, Roland sentit qu’il lui fallait à tout prix respirer. Alors, d’un vigoureux coup de talon, il remonta, et émergea entre deux gondoles serrées l’une contre l’autre. Cramponné aux flancs de deux barques, Roland aspira avec volupté l’air pur que balayaient des souffles d’ouragan, l’air de la liberté !…
    A ce moment, près de sa tête, surgit de l’eau une autre tête.
    Scalabrino apparut, s’ébroua fortement. Ils ne se dirent rien.
    Bientôt Roland replongea, suivi de son compagnon.
    Ils recommencèrent la même manœuvre, et lorsqu’ils revinrent respirer, ils étaient à plus de cent brasses du pont. Autour d’eux, les quais étaient déserts. Maintenant une pluie de déluge s’abattait sur Venise.
    Deux fois encore, ils nagèrent entre deux eaux. A la dernière fois qu’ils revinrent à la surface, ils avaient tourné l’angle du canal, et le Pont des Soupirs, le palais ducal, les prisons avaient disparu.
    Scalabrino, cette fois, se hissa dans une barque amarrée à un pieu. Roland le rejoignit et s’étendit, pantelant, sous la tente dont son compagnon referma les rideaux de cuir. A l’arrière de la barque, Scalabrino trouva le large caban du gondolier et le jeta sur ses épaules. Puis il détacha la gondole et, s’emparant de la rame, il se mit à pousser activement l’embarcation.
    Roland, étendu sous la tente, la face tournée vers le ciel en feu, sous la pluie diluvienne qui semblait voguer dans les airs par larges rafales, les yeux grands ouverts, regardait, écoutait, aspirait, pour ainsi dire, de la vie.
    Et comme au moment de mourir, à cette minute, où il revenait à la vie, le même nom fut murmuré par ses lèvres, tout doucement :
    « Léonore ! »
    Et déjà il bâtissait un plan. Il irait à l’île d’Olivolo, se ferait reconnaître de Dandolo, puis il se montrerait à Léonore. Ensemble, ils partiraient de Venise, Il retrouverait sa mère, il retrouverait son père, et soit à Milan, soit à Florence, il recommencerait pour lui et les siens une vie qu’il se sentait capable de leur faire assez belle pour que l’horrible aventure fût à jamais oubliée.
    Ses ennemis, il les ignorait. Il se croyait encore victime de quelque fausse dénonciation. Seulement, quand il évoquait le supplice infligé à son père, toutes ces obscurités s’illuminaient d’un éclair pareil à ceux qui déchiraient le ciel, et à tout son rêve d’amour se mêlait un seul projet de vengeance : avant

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