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Le Pont des soupirs

Titel: Le Pont des soupirs Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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de quitter Venise, il tuerait Foscari qui avait présidé au supplice du vieux Candiano.
    « Monseigneur, dit tout à coup Scalabrino, nous sommes arrivés. »
    Dix minutes plus tard, Scalabrino entrait dans une maison délabrée, montait tout en haut par un escalier de bois très raide et toquait à une porte. Une jeune femme vint ouvrir.
    « Qui êtes-vous ? Que voulez-vous ? murmura-t-elle.
    – Juana ! dit Scalabrino. Je suis donc bien changé ?… »
    La femme le considéra un instant avec des yeux agrandis par l’effroi et la stupéfaction.
    « Jésus, Marie ! fit-elle enfin. Est-il possible que ce soit toi !…
    – Entrons maintenant », fit Scalabrino.
    Roland pénétra dans le logis. Tout y était pauvre, mais non dépourvu d’une certaine coquetterie. Juana était demeurée immobile, toute pâle, et sa main désignait sur une table un morceau de parchemin cloué sur une planchette.
    Roland suivit la direction de la main, aperçut le parchemin et s’en approcha. Il entendit alors Juana qui bégayait :
    « Je l’ai arraché hier à la porte basse de Notre-Dame de la Salute… »
    Ce parchemin, c’était une des tablettes qui annonçaient au peuple l’exécution publique du bandit Scalabrino.
    Il était daté du 4 juillet de l’an 1515.
    Cette date fulgura devant les yeux de Roland.
    « Six ans !… »
    Le premier moment fut un étonnement inexprimable chez Roland. Si, la veille, on lui eût brusquement demandé depuis combien de temps il était enfermé, il eût répondu :
    « Deux ou trois ans, peut-être… »
    Au-dessus de la table, il y avait un miroir.
    Il se regarda et fut épouvanté de ne pas se reconnaître. Deux plis verticaux très durs, très profonds barraient son front, ses lèvres s’étaient comme pétrifiées ; ses traits devenus durs s’étaient creusés.
    Il détourna son regard qui, machinalement, retomba sur la tablette.
    – DANDOLO,
Grand Inquisiteur d’Etat.
    – 
FOSCARI,
doge.
    – 
ALTIERI,
capitaine général.
    Au-dessous des trois noms, l’évêque de Venise demandait au peuple une prière pour l’âme du condamné.
    Et ces dernières lignes étaient signées :
    – BEMBO,
par la grâce de Dieu évêque de Venise.
    Roland, sans un mot, attira à lui une chaise. Il s’assit, plaça ses deux coudes sur la table, mit sa tête dans ses deux mains.
    Et alors, d’une voix étrange, il assembla ces quatre noms qui, sur la tablette du condamné, se détachaient en lettres de feu :
    « Dandolo ! Foscari ! Altieri ! Bembo !… »
    Et il lui sembla que le nom du condamné, ce n’était pas Scalabrino, mais Roland Candiano !…
    Scalabrino, lui aussi, avait vu la tablette que lui montrait Juana. Mais il ne lui avait accordé qu’un coup d’œil indifférent. La première émotion passée, il saisit la jeune femme dans ses deux bras, l’enleva et l’embrassa sur les joues en disant :
    « Tu ne t’attendais pas à me voir ce matin, dis ?…
    – Je priais ! répondit la pauvre Juana qui éclata en larmes.
    – Tu ne m’avais donc pas oublié, toi ?
    – T’oublier ! N’est-ce pas toi qui as pris soin de mon enfance ? Pour moi, tu fus toujours le bon frère…
    – C’est vrai ! dit Scalabrino attendri.
    – Mais, reprit-elle, ils t’ont donc fait grâce ?
    – Grâce ! fit Scalabrino. C’est moi qui me suis fait grâce !
    – Que veux-tu dire ?
    – Que je me suis évadé ; que si le bourreau ou les sbires des Dix apprenaient que je suis ici, dans une heure ma tête roulerait sur les dalles de la place Saint-Marc !
    – Tu t’es évadé ! Le matin où tu allais être… Oh ! je tremble quand j’y songe !… Comment as-tu pu…
    – Comment ? Je ne sais plus moi-même !…
    – Et lui ? fit Juana à voix basse en désignant Roland.
    – Lui ! murmura le colosse, dont les yeux se voilèrent.
    – Qui est-ce ?…
    – Tais-toi… Laisse-le !… Viens, donne-moi à manger… »
    Le logis se composait de deux pièces. Celle dans laquelle se trouvait Roland servait de chambre à coucher. L’autre, plus petite, dans laquelle Juana entraîna Scalabrino, était une cuisine où mangeait la jeune femme. Elle improvisa un repas sommaire que Scalabrino dévora avec volupté.
    Lorsque l’appétit du colosse fut à peu près satisfait, il se mit à regarder Juana avec un certain étonnement.
    « Te voilà belle, dit-il… et même, on dirait… plus coquette que jadis… un ruban rouge dans tes

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