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Le Pont des soupirs

Titel: Le Pont des soupirs Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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cachot. Au bout de quelques pas, il se trouva au pied d’un escalier que toute l’escorte commença à monter, tandis que le prodigieux mugissement de la tempête s’accentuait encore.
    A ce moment, dans l’angle du cachot d’où le dernier geôlier venait de sortir, la dalle se souleva. Une tête blafarde apparut.
    Et Scalabrino, muet d’horreur, les cheveux hérissés, fixa ses yeux mornes sur cette porte que Roland venait de franchir pour aller à l’échafaud.
    Et cette porte !…
    Ah ! quel rugissement monta aux lèvres du spectre qui se dressait au-dessus de la dalle ! De quel flamboiement ses yeux s’emplirent soudain !… Cette porte !…
    Cette porte… on avait dédaigné de la refermer,
puisque le condamné n’y était plus !
Cette porte, elle était resté entrouverte !…
    q

Chapitre 14 LE PONT DES SOUPIRS
    I l était environ sept heures du matin, c’est-à-dire qu’il aurait dû faire grand jour. Mais le ciel était noir, et le peu de lumière épandue dans les airs ne jetait qu’un éclat livide. Seulement, d’instant en instant, ce ciel noir s’ouvrait, comme éventré par quelque gigantesque faucille de feu, et Venise apparaissait une seconde dans la clarté bleuâtre de l’éclair…
    La plupart des exécutions avaient lieu dans la prison même. Quelquefois on exécutait le condamné sur la chaise de pierre du Pont des Soupirs. D’autres fois enfin, et quand on voulait frapper l’esprit populaire, on dressait un échafaud sur la place Saint-Marc.
    Pour se rendre à l’échafaud, le condamné devait alors traverser le Pont des Soupirs. Ce pont avait la forme d’un sarcophage, nous l’avons dit. Il unissait les prisons au palais ducal. Il était recouvert d’une voûte en maçonnerie légère. En sorte que le Pont semblait n’être que la continuation d’un des couloirs de la prison. Sur le côté qui était tourné vers la mer, on avait aménagé une sorte de fenêtre garnie de barreaux. Devant cette fenêtre, on permettait au condamné de s’arrêter un instant, afin qu’au moment de mourir, il pût emplir ses yeux d’une dernière vision de Venise.
    Lorsqu’on eut monté un étage, le prêtre dit :
    « Mon fils, vous allez entendre la sainte messe et communier… »
    Roland frémit. Pour communier, il faudrait qu’on lui retirât le voile noir. Et alors on le reconnaîtrait !
    L’huissier qui marchait en tête se retourna :
    « Vénérable père, dit-il, si nous ne hâtons pas le pas, l’exécution sera impossible ; la cérémonie de la chapelle empêchera la cérémonie de la place Saint-Marc. »
    Comme pour lui donner raison, un violent coup de tonnerre vint répercuter ses échos puissants le long des corridors.
    Le prêtre pâlit.
    « Marchons donc ! dit-il ; je remplacerai la messe par une prière et la communion par un
De profundis ! »
    Le bourreau approuva de la tête ; le cortège se remit en marche ; Roland respira : cette fois, il était sûr de mourir !
    Arrivé en haut des escaliers, le cortège s’avança sur le Pont des Soupirs et, selon l’usage, on montra au condamné la fenêtre grillée, pour qu’il s’y arrêtât un instant. A ce moment, un large éclair déchira l’obscurité du pont : Roland fut enveloppé d’une violente lumière, et une voix, dominant les grondements du tonnerre, s’écria :
    « Cet homme n’est pas le bandit Scalabrino !… »
    Une imprécation de désespoir éclata sur les lèvres de Roland, lui-même déchira l’étoffe légère ; il apparut étincelant, formidable, baigné de lumière.
    L’imprévu de cette scène tragique, l’éblouissement livide des éclairs, les détonations répétées du tonnerre glacèrent de terreur les gardes, leurs chefs, et jusqu’au bourreau.
    Qui était cet homme si hâve et si terrible ?…
    Nul ne le reconnaissait !
    De cette seconde de suprême répit, Roland profita pour, d’un bond, renverser les gardes qu’il avait sur sa gauche et s’acculer contre la paroi de la voûte, près de la fenêtre…
    Mourir… Oui, il mourrait !… Mais ce ne serait pas sur l’échafaud !… Ce serait dans une bataille dernière, dans une lutte forcenée… Mais il ne redescendrait pas vivant dans sa tombe !
    « Saisissez-le ! gronda la même voix que tout à l’heure. Saisissez-le sans le tuer ! »
    Mais cette voix fut couverte par un effroyable coup de tonnerre. Le pont vacilla. La paroi de la voûte se lézarda. Une violente odeur de soufre emplit la

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