Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen

Le Pont des soupirs

Titel: Le Pont des soupirs Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
Vom Netzwerk:
que je ne connaissais pas me dit, en regardant autour d’elle avec effroi, que tous ceux qui m’achetaient des fleurs étaient dénoncés… « Mais pourquoi ? balbutiai-je, interdite. – « Pourquoi, enfant ? Pourquoi recueilles-tu chez toi la mère du rebelle condamné par le puissant Conseil… » Je demeurai étourdie, indignée.
    – Et l’idée ne te vint pas de te séparer de cette vieille femme qui causait ton malheur ?
    – Non, monseigneur, répondit ingénument Juana. Je m’étais attachée à M me  Silvia, et je l’aimais comme une mère.
    – Que fis-tu donc ? » demanda Roland.
    Juana baissa la tête et, de ses deux mains, couvrit son front devenu pourpre.
    « Monseigneur, fit-elle à voix basse, ne me le demandez pas… Bientôt je manquai d’argent. Et pourtant, il fallait un certain vin vieux pour la pauvre vieille qui m’avait appelé sa fille…
    – Tu dis que ma mère t’appela sa fille ?
    – Oui, monseigneur !… Mais peut-être n’étais-je pas digne de ce beau titre… car je ne sus pas résister… Un soir, je voyais bien que les forces de M me  Silvia s’épuisaient… il eût fallu acheter un cordial… je me désespérais, et elle, cependant, me souriait. Alors, je perdis la tête… Je descendis… il faisait nuit… un homme m’aborda… un jeune seigneur… Quand je remontai, j’avais le cordial, j’avais des vivres… Ah ! monseigneur, pardonnez-moi d’avoir employé de l’argent impur à nourrir votre mère !… »
    Roland fit un pas et se laissa tomber à deux genoux, et il saisit les mains de Juana sur lesquelles, pieusement, il déposa un baiser, tandis que des sanglots lui secouaient les épaules.
    « Que faites-vous, monseigneur ? s’écria Juana.
    – Ce que je fais ! sanglota Roland. Je te révère et te bénis, et je te dis : « Juana, ma sœur, tu m’es sacrée.
    – Tonnerre de Dieu, j’étouffe ! » gronda Scalabrino en ouvrant violemment la fenêtre.
    Roland se releva, ses traits bouleversés s’immobilisèrent :
    « Achève, mon enfant… dit-il.
    – Je n’ai plus que peu de mots à vous dire, poursuivit Juana avec une sorte de timidité. Les forces de votre pauvre mère déclinèrent rapidement… Je fis ce que je pus pour qu’elle n’eût pas à souffrir. Quand je n’avais plus d’argent, je savais maintenant où en trouver… Un soir, c’était le 10 juin de l’an 1510, un an jour pour jour après votre arrestation, elle s’éteignit dans mes bras, en murmurant votre nom. Je mis un rameau de buis entre ses mains pâles, et je l’ensevelis dans un drap blanc. Et le lendemain, quand on l’eut enlevée, quand je me retrouvai toute seule en ce monde, je pleurai amèrement… C’est tout monseigneur !… »
    Longtemps, Roland garda le silence.
    Un dernier grondement de la tempête qui s’apaisait au-dehors le fit tressaillir, le réveilla de cette tragique rêverie.
    « Juana, dit-il doucement, à partir de ce jour, tu n’es plus seule en ce monde. Tu as un frère. Va Juana, va, ma sœur… Va aussi, Scalabrino… Laissez-moi seul… »
    Juana et Scalabrino, ayant jeté sur Roland un regard où il y avait presque de l’effroi, obéirent…
    q

Chapitre 15 LE JARDIN DE L’ILE D’OLIVOLO
    C e fut vers le soir seulement que Roland rejoignit Juana et Scalabrino. Il prit alors sa part du repas que la jeune femme prépara en toute hâte et s’ingénia à causer. Mais des événements qui le touchaient directement il ne dit pas un mot.
    La nuit vint. Onze heures sonnèrent à un clocher. Roland se tourna vers Scalabrino :
    « Je vais sortir, dit-il ; tu m’attendras ici.
    – Je vous accompagne, monseigneur.
    – Non pas. Il faut que je sois seul dans la visite que je vais faire.
    – Pourtant, vous ne pouvez sortir ainsi, dit Juana. Vous ne feriez pas cent pas sans être reconnu et suivi par quelque espion. »
    Roland prit place sur l’escabeau que lui approchait Juana. En quelques coups de ciseaux, celle-ci eut fait tomber la barbe de Roland ; puis elle peigna soigneusement ses cheveux, qu’il avait fins comme des cheveux de femme. En dix minutes, Roland se trouva transformé.
    « Des habits, maintenant ! » fit Juana qui courut ouvrir un grand coffre.
    Bientôt, Roland eut revêtu le costume de marinier que lui présenta Juana. Ainsi transformé, il était méconnaissable.
    Alors, il sortit après avoir fait un geste affectueux à Juana.
    Tout en marchant, Roland se posait ces

Weitere Kostenlose Bücher