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Le Pont des soupirs

Titel: Le Pont des soupirs Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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échangeaient nos deux vies, monseigneur ! Sandrigo vous vendait à Bembo, et troc pour troc, Bembo me vendait à Sandrigo !…
    – Eh bien, Scalabrino, me conseilles-tu encore de reculer ?
    – Non, monseigneur. Marchons et puissions-nous rencontrer Sandrigo dans les gorges de la Piave !… »
    A ce moment, un cri lointain se fit entendre.
    Roland et son compagnon prêtèrent l’oreille.
    « C’est du côté de la Grotte Noire, dit Scalabrino.
    – Allons à la Grotte Noire !
    – Et les chevaux ?
    – Nous les retrouverons ici », dit Roland.
    Scalabrino s’élança, suivi de Roland. Ils escaladèrent parmi des rochers superposés, un sentier qui grimpait à travers des touffes de lentisques et d’arbousiers sauvages.
    Au bout de cinq minutes de marche précipitée, Scalabrino s’arrêta, et faisant signe à Roland de garder le silence, écarta doucement un rideau d’arbustes, et d’un geste montra la scène étrange qui se déroulait dans ce désert.
    D’un coup d’œil Roland embrassa cette scène. A sa gauche, en contrebas, il entrevit l’ouverture sombre d’une caverne qui devait être sans doute la Grotte Noire. A sa droite, les rochers finissaient brusquement sur une ligne au-delà de laquelle il devinait un grand trou béant – quelque gouffre au fond duquel il entendait mugir le fleuve. Entre la grotte et l’abîme, c’était une sorte de plate-forme qui n’avait pas plus d’une trentaine de toises en largeur.
    A l’entrée de la grotte, un homme était attaché au tronc d’un pin sauvage poussé dans une fente de rocher. Devant lui, un autre homme était assis et paraissait continuer un interrogatoire déjà commencé. Derrière cet interrogateur, une douzaine de gaillards solides, armés jusqu’aux dents.
    En apercevant l’homme attaché, Roland avait tressailli.
    Et en apercevant l’homme qui interrogeait, Scalabrino avait serré ses poings formidables. Le premier avait reconnu le bavard qui, à Mestre, lui avait vendu deux chevaux. Le second avait reconnu son ennemi Sandrigo.
    « Voyons, seigneur, disait Sandrigo, la vie d’un homme tel que vous vaut bien trois mille écus, que diable !
    – Seigneur bandit, où voulez-vous que je prenne ces trois mille écus ?… Je suis perdu !
    – Seigneur poète, reprit le bandit en ricanant, dans la grotte il y a une table ; sur cette table, de l’encre, du papier, des plumes. Vous allez écrire – en prose ou en vers, à votre choix. »
    Un éclat de rire général accueillit ce trait d’esprit.
    « Silence ! fit Sandrigo, vous écrivez. Un des cavaliers que voici porte votre lettre. Il faut deux jours pour aller à Venise, autant pour en revenir ; cela fait quatre. Soyons bon prince et mettons-en quatre pour donner à vos amis le temps de faire la somme. Cela fait huit jours. Il est maintenant 9 heures du soir, et nous sommes à jeudi. Si jeudi à 9 heures du soir, les 3 000 écus ne sont pas ici, j’aurai le regret de vous poignarder moi-même. »
    Au même instant, les ronces qui formaient une barrière autour de la plate-forme s’écartèrent et Roland apparut.
    D’un bond, il se trouva en présence de Sandrigo. En même temps, Scalabrino s’était jeté au-devant des bandits et s’écriait :
    « On s’amuse donc sans moi, par ici !… Il paraît qu’on ne m’attendait plus !
    « Scalabrino ! Scalabrino ! » vociférèrent les bandits.
    Sandrigo, à l’aspect de Roland, avait bondi et se trouvait debout, le poignard à la main. Au nom de Scalabrino joyeusement crié par ses compagnons, il se retourna et voulut s’élancer sur le colosse. Il n’en eut pas le temps. Il s’arrêta avec un hurlement de douleur : Roland venait de se jeter sur lui, et lui broyait les deux poignets dans ses mains de fer. Sandrigo laissa échapper son poignard, se tordit un instant et tomba à genoux. Les bandits qui, d’abord, avaient poussé un cri de joie en reconnaissant Scalabrino, firent un mouvement pour entourer Roland.
    « Laissez faire ! » rugit Scalabrino.
    Les bandits reculèrent, domptés.
    Pierre Arétin, toujours attaché, les bandits tenus en respect par Scalabrino, regardaient avec effarement ce nouveau venu, cet inconnu si fort aux pieds duquel se tordait Sandrigo.
    Et lorsque enfin il saisit Sandrigo par le cou, lorsqu’il le traîna jusqu’au bord du précipice, lorsqu’il le tint suspendu au bout de son bras au-dessus de l’abîme, un murmure d’admiration stupéfiée indiqua que

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