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Le Pont des soupirs

Titel: Le Pont des soupirs Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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à peu près, c’est-à-dire qu’ils se passèrent environ sept ans avant le jour où je fus arrêté… Un matin, j’attendais le retour d’une expédition que j’avais confiée à ce Sandrigo, lorsque tout à coup je le vis revenir avec ses hommes. Au milieu d’eux marchait une femme d’une extrême jeunesse et d’une éclatante beauté. J’avoue que je fus ébloui, moi qui ne m’étais jamais bien préoccupé de la beauté des femmes. Elle ne semblait nullement intimidée et prenait son aventure en riant. Nous emmenâmes dans une de nos grottes la femme et ses deux domestiques plus morts que vifs. Arrivée là, elle demanda à parler au chef.
    « – C’est moi, madame, lui dis-je. Ne craignez rien.
    « – Je n’ai pas peur, dit-elle en me regardant.
    « Et son regard étrangement hardi me bouleversa. Elle continua :
    « – Je vous donnerai tout ce que j’ai de précieux sur moi à condition que vous me laissiez dès aujourd’hui poursuivre mon chemin ; car je suis pressée d’arriver à Rome.
    « – Tout de suite, si vous le désirez ! m’écriai-je.
    « – Non ; je suis fatiguée et désire me reposer une heure.
    « Cette femme me causait un trouble extraordinaire. Et j’eusse voulu la laisser venir sans rien lui prendre. Mais d’elle-même et tout en riant, elle défit ses bracelets, son collier et les jeta à mes pieds.
    « Je me reculai et je dis à Sandrigo :
    « – A toi, ami. Moi je ne toucherai pas à ces bijoux.
    « Mais Sandrigo lui-même secoua la tête. D’un signe il montra les bijoux à nos hommes qui se jetèrent sur eux pour se les partager. Alors Sandrigo fit un pas et dit :
    « – Je ne veux pas des bijoux, mais je veux la femme !
    « – Sandrigo, cela ne sera pas. Tu connais nos lois.
    « – Pour aujourd’hui, s’écria violemment Sandrigo, je ne connais de loi que celle de ma passion.
    « Un flot de sang me monta au visage, et je tirai mon poignard.
    « – Je vois bien qu’il faut que j’appartienne à l’un de vous aujourd’hui !… Eh bien, j’accepte !… Seulement, je mets une condition à ma bonne volonté.
    « – Nous l’acceptons d’avance ! s’écrièrent nos compagnons.
    « – Eh bien, je prétends choisir moi-même mon amant. Acceptez-vous ?
    « – Oui, oui !…
    « Sandrigo fit signe qu’il acceptait aussi. L’inconnue fit, des yeux, le tour des hommes qui l’entouraient. Ces beaux yeux s’arrêtèrent un instant sur Sandrigo, et je sentis que je pâlissais. Mais elle passa !… Elle vint enfin à moi, me prit la main et dit :
    « – Voici celui que je veux… » Ah ! monseigneur, poursuivit Scalabrino, cette minute-là contint une des plus fortes émotions de ma vie. Sandrigo avait poussé un cri de rage et s’était élancé au-dehors. Quant à moi, haletant, éperdu de ce bonheur imprévu qui me tombait du ciel, je saisis dans mes bras la magnifique créature et je l’emportai en courant au fond d’une grotte. L’heure qui suivit, monseigneur, je m’en souviendrais des siècles, si je vivais des siècles. Elle partit.
    – Tu ne l’as jamais revue ?
    – Un soir, pendant une seconde, à Venise, il me sembla la reconnaître… Mais non !… Ce ne pouvait être elle…
    – Cette femme que tu as cru reconnaître, c’était donc…
    – La courtisane qui m’avait payé pour vous enlever !…
    – C’est bien, fit Roland pensif. Continue.
    – C’est tout, monseigneur. Je voulais en venir à vous dire que ce Sandrigo, de ce jour-là, me voua une haine sourde. Mais depuis mon arrestation, Sandrigo est sans doute devenu le chef. Or, si nous tombons entre ses mains, s’il voit que je vous suis dévoué, il fera retomber sur vous la vieille haine encore inassouvie. Ce que Sandrigo n’osa tenter alors, il l’accomplira aujourd’hui…
    – Et ce Sandrigo était-il à Venise… le soir… de l’émeute ?
    – Oui, monseigneur. Et maintenant que j’y pense… J’ai que… oh ! le misérable !… J’ai, monseigneur, qu’au moment où je fus arrêté, il me sembla voir Sandrigo parmi les sbires !
    – Et quel fut son rôle dans la comédie organisée par… mon ami… mon excellent ami Bembo ?…
    – Eh bien, le soir où Bembo vint me trouver, ce fut Sandrigo qui le conduisit à moi… Ah ! je commence à voir clair dans toute cette sombre histoire !… Je devine ce que je ne vois pas !… Il me semble voir le misérable Sandrigo complotant avec Bembo. Ils

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