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Le Pont des soupirs

Titel: Le Pont des soupirs Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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doucement :
    « Croyez-vous que je sois brave, moi ?…
    – Oui… d’une bravoure étrange. Tenez, vous avez le courage d’un homme qui considérerait la mort comme un bienfait…
    – Donc, dit-il, vous savez que je suis brave. Eh bien, dites-moi, n’avez-vous jamais conçu cette pensée que vous pourriez auprès de votre lâcheté, placer une bravoure protectrice ?…
    – Que voulez-vous dire ?… Je n’ose vous comprendre…
    – Ceci : Vous allez aller à Venise. Selon ce que j’entrevois de vous et ce que vous m’avez confié, vous ne tarderez pas à vous attirer des haines formidables. Alors, où sera ce bonheur matériel après lequel vous courez ? A quoi bon tenter d’être heureux, puisque vous aurez trop peur pour jouir du bonheur péniblement conquis ?
    – Par les saints, monsieur, vous m’épouvantez !
    – Mais si quelqu’un, près de vous, veille nuit et jour sur votre vie ! Si ce quelqu’un se charge de frapper ceux qui doivent vous frapper, si dans l’orbite de votre existence évoluait un autre vous-même, un deuxième Arétin qui se chargerait d’être brave, fort et vigilant à votre place !…
    – Ah ! s’écria l’Arétin dont les yeux étincelèrent. Quel rêve magnifique vous me faites entrevoir. Ah ! si cela était !…
    – Eh bien, c’est cela que je vous offre !
    – Prenez garde de me laisser trop espérer ! s’écria Pierre Arétin.
    – Puisque vous avez étudié l’art de lire sur les physionomies, lisez sur la mienne que je ne parle jamais inutilement.
    – Oui ! oui ! Vous êtes grand, je m’abandonne à vous…
    – Donc, à partir de ce moment, cessez de redouter quoi que ce soit au monde. Allez à Venise. Accomplissez-y votre destinée, et ne craignez plus : je veillerai sur vous et votre maison.
    – Mais que me demandez-vous, à moi, en échange ? Rien au monde ne saurait payer une telle protection. Je puis récompenser le roi de France par un sonnet ; je puis offrir à l’empereur une ballade. Mais vous, vous, monsieur : Vous que je sens, que je devine plus grand que l’empereur et le roi, que vous offrirai-je ?…
    – Pour me payer de la protection que je vous accorde, je vous demande de devenir l’ami intime de quatre hommes… mais, entendez-moi bien, leur ami indispensable, l’ami de leur cœur, de leurs pensées, l’ami de tous les instants, celui à qui on doit tout, devant qui on rit et on pleure.
    – J’accepte ! répondit l’Arétin. Maintenant, le nom de ces quatre amis ?
    – Le Grand Inquisiteur Dandolo, dit Roland qui devint livide en prononçant ce nom. L’évêque Bembo. Le capitaine général Altieri. Le doge de Venise, Foscari. »
    q

Chapitre 17 LE GRAND INQUISITEUR
    N ous revenons maintenant à Venise, et nous reprenons le fil des événements à cette nuit où se déchaînait le grand orage.
    Dans le palais Dandolo, cette nuit-là, tout semblait dormir. Cependant un homme veillait encore vers quatre heures du matin.
    C’était le Grand Inquisiteur. Il avait fort vieilli.
    « Hurle, tempête ! murmurait Dandolo, lorsqu’un coup plus violent semblait ébranler les assises de la maison. Siffle, vente, foudroie !… Tu n’arriveras pas à étouffer ce qui hurle en moi ! Encore une nuit ! Une nuit d’insomnie ajoutée à tant d’autres ! Je vais, je marche, je tâche à ne pas entendre ce qui est en moi, et je n’y parviens pas, puisque les gémissements que j’entends ne sont même pas couverts par la voix du tonnerre… Oh ! ces gémissements !… Ils viennent de là-bas, du fond de la sinistre prison où se désespère l’infortuné… Six ans ! Six ans que ce malheureux expie le crime d’avoir été aimé par la fille d’un ambitieux… ma fille !… »
    Il jeta des yeux hagards autour de lui.
    Des bruits se faisaient entendre. Les domestiques de la maison reprenaient leurs occupations : il faisait jour.
    Alors, il revint à la salle d’honneur, alla soulever les rideaux de l’une des fenêtres et regarda au dehors.
    Au loin, sur la droite, une lueur rouge fusait dans le ciel noir. Les yeux de Dandolo s’attachèrent sur cette lueur sinistre. Soudain il devint blême.
    « Oh ! bégaya-t-il, ce n’est pas possible !… Je deviens fou !… »
    Le spectacle qui le frappait devait être terrible, car il tremblait et se soutenait à la lourde étoffe du rideau.
    Là, dans le grand canal, deux têtes venaient d’émerger à la surface des flots !… Deux

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