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Le Pont des soupirs

Titel: Le Pont des soupirs Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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n’ai-je pas commencé par arracher de ma poitrine ce cœur trop faible ! »
    Imperia rentra, rayonnante, et saisit les mains de Roland.
    « Ah ! maître Paolo, s’écria-t-elle, vous êtes vraiment un grand médecin. Jamais je n’ai vu ma fille aussi bien portante. »
    Au contact des mains d’Imperia, Roland avait eu un frisson de dégoût et de haine qu’il réprima aussitôt :
    « Vous êtes donc rassurée ? fit-il.
    – Comment ne le serais-je pas ?
    – Et si je vous disais que cette apparence de santé est trompeuse ? Si je vous disais que votre enfant est réellement malade ?
    – Vous m’épouvantez, s’écria la courtisane.
    – Voulez-vous, madame, m’accorder un entretien ? Demain…
    – C’est trop loin ! Je suis maintenant dans une mortelle inquiétude. Ecoutez, revenez à minuit. D’ici là, j’aurai trouvé quelque moyen de renvoyer tout mon monde.
    – A minuit, soit ! »
    Roland s’éloigna, tandis qu’Imperia songeait :
    « Où ai-je entendu cette voix que me fait frissonner ?… »
    Escortée de Pierre Arétin, Imperia rentra dans la salle de fête, et avec cette habileté, cet art suprême qui la rendait vraiment supérieure, commença à préparer peu à peu la foule de ses invités à un départ qui n’eût dû se faire que fort avant dans la nuit.
    Vers minuit, comme elle l’avait dit, le palais était désert.
    Bientôt apparut celui qu’elle appelait maître Paolo. Elle le prit par la main et l’entraîna dans une petite pièce écartée.
    Imperia s’assit et désigna un siège au secrétaire-médecin de Pierre Arétin. Roland obéit machinalement.
    « Parlez-moi de ma fille, dit doucement Imperia.
    – Que redoutez-vous pour elle ? demanda-t-il en faisant un effort pour chasser les pensées nées du passé.
    – Que sais-je ?… J’aime tellement cette enfant ! Elle est ma vie, monsieur… la moindre apparence de mal me met hors de moi… Oh ! si je la perdais !
    – Il est impossible que ce soit seulement cela que vous redoutez…
    – Que voulez-vous dire ? fit Imperia en tressaillant.
    – Bianca est d’une santé robuste. Mais elle est bien belle… trop belle, peut-être ! N’est-ce pas, madame que vous aimeriez mieux que votre fille n’eût jamais attiré les regards d’aucun homme ?
    – Il faudra pourtant qu’elle se marie !
    – Ce n’est pas cela que vous craignez. Si un homme se présentait, jeune, loyal, dévoué, offrant sa vie avec l’amour que lui aurait inspiré Bianca, vous n’hésiteriez pas !… Mais peut-être votre fille a-t-elle été vue par quelqu’un de ces monstres à visage humain dont le seul regard est une mortelle insulte… Si cela est, madame, acheva Roland, malheur à votre fille ! Le vampire est là qui la guette dans l’ombre de ce palais. Il a soif de ce jeune sang. Il rôde sans hâte. Il sait que sa proie ne peut lui échapper. Il prend ses dispositions, et bientôt peut-être il sera trop tard pour sauver l’enfant. »
    Imperia jeta un cri d’épouvante.
    « Qu’avez-vous, madame, dit Roland. Tout cela n’est qu’une supposition sans doute. Et d’ailleurs, vous êtes là pour veiller sur Bianca. Car qui donc oserait attaquer la fille devant la mère. A moins pourtant que la mère ne soit unie au malfaiteur par quelque pacte secret ! A moins que la mère, à jamais liée par quelque crime ténébreux à son complice, ne soit impuissante lorsque ce complice se dresse et lui dit : Je veux ta fille !
    – Qui vous a appris tout cela ? Quelle infernale puissance vous a révélé le pacte qui me lie au cardinal ?…
    – Je ne sais de quoi vous voulez parler, dit Roland. Je cherche, voilà tout. Il paraît que, sans le vouloir, j’ai dit la vérité.
    – Ainsi, vous ne savez rien ?
    – Je ne sais rien, mais il faut que je sache tout, si vous voulez que votre fille soit sauvée. Il me vient une idée que je veux vous soumettre. C’est que si Bianca est menacée, il y a quelqu’un dans le monde qui est tout désigné pour la défendre en même temps que vous.
    – Qui donc ? fit Imperia étonnée.
    – Son père, dit Roland avec bonhomie.
    – Son père !
    – Qu’y a-t-il qui vous étonne ?… Je suis sûr que cet homme, si on lui exposait la situation, volerait au secours de son enfant. Permettez-moi, madame, de parler en toute franchise, afin que nous nous comprenions bien. Vous êtes ce que dans le monde on appelle une courtisane. Mais je sais aussi que

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