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Le Pont des soupirs

Titel: Le Pont des soupirs Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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peine vieilli. Seulement, son regard était plus sombre qu’autrefois.
    « Pourquoi ne l’avons-nous pas attaché, lui aussi, sur cette pierre ! Pourquoi ne l’avons-nous pas aveuglé comme son père, ou plutôt, pourquoi le bourreau, alors, ne fit-il pas tomber cette tête !… Ah ! Bembo, ce fut une lourde faute !
    – Monseigneur, dit Bembo, ce sont là d’inutiles inquiétudes. Roland Candiano est mort.
    – On n’a pas retrouvé le corps. Pourtant j’ai fait draguer le canal. J’ai passé quinze mortelles journées à attendre qu’on vînt m’annoncer qu’il était retrouvé…
    – Vous savez, monseigneur, que le canal entraîne jusqu’au Lido les corps qu’il engloutit. Là, les poissons voraces se sont chargés de l’ensevelissement suprême, n’en doutez pas…
    – Crois-moi, Bembo, un homme comme lui ne se noie pas. J’ai voulu visiter son cachot. J’ai voulu voir de mes yeux cette galerie qu’il a creusée en six ans. C’est un prodigieux travail. Non, il ne s’est pas noyé, ajouta le doge d’une voix plus sombre…
il a trop de choses à faire
pour mourir ainsi au moment de la liberté.
    – En admettant qu’il soit vivant, balbutia Bembo, il faudrait qu’il sache… »
    Foscari haussa les épaules. Puis, comme s’il eût voulu brusquement changer le cours de ses idées, il reprit :
    « Cet homme, cet ami de Jean de Médicis que tu devais faire venir ?…
    – Pierre Arétin ?… Il est arrivé, monseigneur.
    – Et tu crois qu’il remplira avec intelligence et fidélité cette ambassade auprès de Jean de Médicis ?
    – Il est remarquablement intelligent, monseigneur, et, quant au dévouement, il ne s’agit que d’y mettre un bon prix.
    – Tu me l’amèneras au plus tôt… »
    Le doge Foscari, pensif, le front penché, passa à un pas de Roland, accompagné de Bembo, qui ouvrit la porte massive. Un instant plus tard, Foscari et Bembo avaient disparu.
    Alors, Roland se redressa. Il regagna l’ouverture, descendit jusqu’à sa gondole, la conduisit à la place où il l’avait prise, la rattacha, sauta sur le quai et se dirigea vivement vers la place Saint-Marc.
    Que venait-il chercher là ? Qu’attendait-il, embusqué au pied de l’une des colonnes qui portaient le fanion de la république ?… Bientôt, d’une porte du palais ducal, une ombre se détacha et se mit à marcher lentement en suivant la ligne du Grand Canal.
    Sans doute, c’était cet homme qu’attendait Roland, car il se mit à le suivre…
    « Bembo ! » avait-il murmuré.
    C’était Bembo en effet. Roland le suivait sans intention fixe. Il suivait Bembo avidement, prêt à le tuer, peut-être, ou simplement par une sorte de curiosité nerveuse.
    Bembo s’arrêta enfin. Il se trouvait devant le palais d’Imperia.
    Roland comprit tout ! Le monstre amoureux venait payer son tribut à l’amour ! Lui aussi aimait ! Lui aussi venait rêver près de la maison où dormait celle qu’il aimait ! Bembo allait à Bianca comme Roland aurait été à Léonore !… Ce rapprochement amena un sourire d’amertume sur les lèvres de Roland.
    Cependant, cessant de se dissimuler, il se mit à marcher vers Bembo. Celui-ci l’entendit tout à coup, au moment où Roland n’était plus qu’à quelques pas de lui.
    « Tiens ! s’écria Roland d’une voix railleuse, il paraît que je ne suis pas le seul à soupirer sous les fenêtres des jeunes beautés qui habitent ce palais !…
    – Au diable l’importun ! gronda Bembo.
    – Seriez-vous par hasard amoureux de M me  Imperia ? reprit Roland. Je croyais qu’il n’y avait que les poètes comme mon maître, et les apprentis poètes comme moi pour chercher à la clarté des étoiles un reflet de l’objet aimé ! »
    « C’est le secrétaire d’Arétin ! » murmura Bembo.
    Et à haute voix, il ajouta :
    « Passez votre chemin, monsieur, s’il vous plaît.
    – Voilà qui est bientôt dit ! Mais moi qui ai composé une ballade en l’honneur de la divine Bianca, je tiens à la dire, heureux d’avoir un auditeur, à défaut de celle qui devrait l’écouter… »
    Au nom de Bianca, Bembo tressaillit violemment. Il s’avança vers Roland et voulut lui saisir le bras. Roland le repoussa rudement.
    « Ne me touchez pas ! » gronda-t-il d’une voix si rauque et si furieuse qu’il en fut comme surpris.
    « Cette voix ! » murmura sourdement Bembo en reculant.
    Mais déjà Roland reprenait sur ce ton léger

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