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Le Pont des soupirs

Titel: Le Pont des soupirs Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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doit se tourner. Venise, c’est l’Athènes de l’Italie ; ses destinées la conduisent à un avenir d’art, de poésie, de science aimable ; les Vénitiens sont un peuple d’esprit léger, sceptique, mais capable de grandes choses pour la liberté. Athènes succomba du jour où elle voulut asservir la Grèce. Venise entrera dans le néant lorsqu’elle cessera d’être la ville de la mer, intelligente, amie des arts et aspirant à un mode de société où tous les citoyens vivront d’une même vie entièrement consacrée au commerce et aux arts. Oui, Venise peut donner au monde un grand exemple. »
    Il se tut soudain, frémissant, puis reprit froidement :
    « Maître Arétin, la mission que vous devez remplir après de Jean de Médicis, je l’accomplirai moi-même. Pendant ce temps, vous vous tiendrez caché dans votre palais, et à mon retour, je vous donnerai sa réponse au doge Foscari. »
    Emu, ébloui par le peu qu’il venait d’entrevoir, l’Arétin s’inclina devant Roland qui, sûr désormais de l’obéissance de l’Arétin, se retira et rentra dans cette vieille maison du port où jadis avait demeuré Juana, où était morte sa mère !
    Il songea que bientôt l’heure arriverait de se rendre à l’île d’Olivolo ; dans un sac, les dix mille écus de l’achat attendaient. Roland avait résolu de passer la nuit dans la maison Dandolo. Il attendait cette épreuve avec une fébrile impatience.
    « Bembo est puni, murmura-t-il ; Imperia est punie ; Foscari, Altieri et Dandolo vont connaître bientôt quelle main s’abattra sur eux au moment où ils se croient bien forts et heureux ; mais
elle !…
ô Léonore, c’est de toi que je souffre le plus ! C’est toi qui fus la plus coupable, puisque c’est en toi que j’avais mis toute ma foi !… »
    Une fois de plus, il écarta de son esprit la nécessité d’une résolution à prendre.
    Vers huit heures et demie, comme la nuit était tout à fait venue, il se couvrit d’un manteau, prit le sac d’écus et se dirigea par les rues vers l’île d’Olivolo. Il entra dans le jardin et marcha droit à la maison, dont le rez-de-chaussée était éclairé.
    Le vieux Philippe l’attendait dans cette salle à manger que Roland connaissait bien. A la vue de son nouveau maître, le vieillard se leva, salua et dit :
    « Voici l’acte, et voici les clefs.
    – Voilà l’argent, répondit Roland, veuillez le compter. »
    Le serviteur empila les écus avec méthode, tandis que Roland se promenait lentement dans la pièce, paraissant réfléchir.
    L’opération demanda une demi-heure. Lorsque Roland jeta les yeux sur Philippe, celui-ci achevait de ficeler le sac et se levait en disant : « Je vais vous faire visiter la maison…
    – Inutile, dit Roland.
    – Vous la connaissez donc ?
    – Non, mais j’aurai le plaisir de la découvrir moi-même. Je tiens même, pour cette première nuit que je passe dans ma maison, à être seul. Vous avez congé jusqu’à demain, maître Philippe.
    – Bien, monseigneur, dit le vieillard. Je passerai donc la nuit au palais Dandolo. »
    Puis il s’inclina respectueusement devant son nouveau maître et sortit. Roland alla alors jusqu’à la porte du jardin qu’il ferma soigneusement, puis, lentement, revint vers la maison.
    Il éteignit les lumières.
    Alors, presque sans tâtonner, il prit les clefs et parcourut cette maison qu’il connaissait tout entière pour l’avoir si souvent parcourue avec Léonore. Arrivé devant la chambre qu’avait habitée la jeune fille, Roland s’arrêta. Jamais il n’était entré dans cette chambre.
    Non !… il n’entrerait pas là !… Ou du moins, pas encore. Il ne se sentait pas assez fort.
    Lentement il redescendit dans le jardin. Et presque d’instinct, sans que sa volonté l’y poussât, il marcha droit au cèdre.
    « Là j’étais heureux ! » murmura-t-il.
    Il lui parut que c’était d’hier qu’il avait quitté ce jardin, et qu’il y revenait comme tous les soirs, fidèle au cher rendez-vous.
    Mais bientôt, là aussi, il faiblit devant les souvenirs, il recula devant l’ombre de son bonheur. Il s’enfuit avec un sanglot…
    Il s’en alla jusqu’au fond du jardin, avec l’intention d’escalader le mur, de fuir, de ne plus jamais revenir… Arrivé au pied du mur, il prit son élan, et l’instant d’après, il se trouva assis sur la crête et se prépara à sauter. Comme il allait s’élancer, il s’arrêta

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