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Le porteur de mort

Le porteur de mort

Titel: Le porteur de mort Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul C. Doherty
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vives couleurs exécutée par les Frères du Libre Esprit.
    Le prêtre entonna l’introït, dirigeant le choeur par les puissantes paroles «  Dona eis requiem aeternam, Domine... Donne-lui le repos éternel, ô Seigneur ». L’office se déroula dans le respect de la belle tradition. On chanta le graduel dont les sombres paroles résonnèrent dans la nef : «  Dies irae, dies illa... Jour de fureur, jour d’épouvante, Fin du monde en cendres fumantes... » Corbett se joignit aux chanteurs avec ardeur puis écouta l’épître, l’évangile et l’homélie du père Thomas sur la résurrection. La voix du prêtre s’éleva dans les volutes de l’encens, sous le regard fixe des statues de saints, d’anges, de démons et de gargouilles. Puis vint la partie solennelle de l’office : la consécration, la distribution du pain des anges et la bénédiction finale. Le magistrat n’y participa qu’à moitié, tout entier absorbé par la fresque, par les couleurs utilisées, les symboles et les plantes étranges, les scènes dépeignant un homme dans son lit, la salle du banquet, la fuite de Judas, et puis cette croix dominant la Vallée de la Mort et exhibant les cinq plaies du Christ. Un frémissement d’intérêt le parcourut : cela représentait-il vraiment la chute de Babylone, ou autre chose ?
    — Qu’il trouve le repos et ne tombe pas dans les mains de l’ennemi, du mauvais...
    La voix stridente du prêtre retint l’attention de Corbett. On aspergeait maintenant la bière d’eau bénite, on l’encensait et on récitait des prières sur elle. Le cortège funèbre se forma ; on souleva le cercueil et on l’emporta par la porte réservée aux défunts dans le cimetière glacial. Des nuages chargés de neige s’amoncelaient. Le cimetière était morne et sinistre. « Une vraie scène de Purgatoire », pensa le magistrat en regardant descendre la bière dans la fosse. Le père Thomas continuait sa litanie de prières. Corbett s’appuya contre une stèle et contempla les divers tombeaux. Il pensait encore à la fresque quand son regard fut attiré par une plaque commémorative récente dédiée à une certaine « Isolda Brinkuwier, damoiselle de cette paroisse ». Des deux côtés du nom de la femme était gravé un médaillon de pierre illustrant l’Annonciation, quand l’ange Gabriel annonça à la Vierge Marie qu’elle serait la mère de Dieu.
    « Nazareth en Galilée », se dit Corbett in petto. « Là où Dieu a donné un baiser à Marie. »
    Il se remémora la prédiction esquissée sur le mur de la sacristie de l’église désertée : Riche, plus riche sera, Là où, en Galilée, Dieu a donné un baiser à Marie.
    « Je me demande si mortui viventibus loquntur – si les morts parlent aux vivants. »
    Le père Thomas en avait terminé. Le cortège commença à se disperser, d’abord les curieux de la ville puis ceux du manoir. Corbett aperçut Chanson au milieu des serviteurs. Ranulf réconfortait toujours Lady Hawisa, vêtue de noir des pieds à la tête et voilée. Elle s’éloigna de la tombe de son époux, agrippée des deux mains au bras du compagnon de Corbett. Les cloches de St Alphege sonnèrent le glas pour indiquer qu’une autre âme, bénie et sanctifiée, avait rejoint Dieu. Le magistrat s’interrogea quant au jugement qui attendait Scrope avant de décider de rentrer seul au manoir de Mistleham. Il quitta le cimetière par le portillon et traversa la place, sans se soucier des regards noirs ni des grommellements des citadins qu’il croisait. Aux yeux de ces derniers, l’envoyé du roi s’activait, certes, mais il semblait bien que l’affaire serait réglée par Dieu, non par le souverain à Westminster. Corbett les ignora. Pour montrer qu’il n’était point intimidé, il s’arrêta à l’angle de la place où un conteur ambulant avait installé sa baraque. Il avait entravé son âne et planté son étendard, comme il l’appelait, dans la terre battue. Le pennon qui y flottait indiquait d’où venait le vent froid. Enfants et jouvenceaux s’assemblaient. Le conteur, vêtu de voyants oripeaux bigarrés, débitait les histoires que tous connaissaient sur « Madame Lève-tard », « Madame Lève-tôt » et « Madame Avale-tout », personnages que son auditoire identifierait avec des femmes habitant peut-être sa ville, voire sa rue. Corbett scruta le visage fatigué du bateleur ; ce pouvait être l’un de ses agents parcourant artères et

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