Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le poursuivant d'amour

Le poursuivant d'amour

Titel: Le poursuivant d'amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
Vom Netzwerk:
vénérait-il moins les images de la Vierge que ces quelques pouces de métal qui présentaient un tranchant arrondi vers la douille et un contre-tranchant sur les deux tiers du dos. Pourquoi avait-il quitté les compagnies de Charles de Blois ? Pourquoi n’avait-il pas rallié les hordes souvent victorieuses de Bertrand Guesclin ?
    – Je sais pas si on reviendra, dit Triphon. Moi, encore, si ça tourne mal, avec la goule que les Goddons m’ont faite à Maupertuis, j’aurai la ressource de grimper à un arbre et de faire ça !
    Il se mit à mimer les gestes et grimaces d’un singe, tirant un sourire à Pagès et Beltrame et agaçant les autres plutôt qu’il ne les égayait.
    – On reviendra ! Oui, on reviendra tous ! affirma Raffestin.
    Au ton qu’il employait, Tristan comprit son trouble. Avait-il soudain reçu la divination des paroles qui trahissent ? Alors, c’était un don récent du Ciel !
    Sampanier, qui paraissait endormi, releva la tête, sourit dans sa nonchalance et, haussant ses lourdes épaules :
    – Moi, compères, ce qui me rend fier, c’est que Boucicaut nous ait choisis… Ben quoi ?… Il aurait pu prendre cinq chevaliers.
    – C’est vrai, dit Tristan. Et pourquoi ? Parce que moult gens de la noblesse manquent d’astuce et que l’obéissance leur coûte… J’ai confiance en notre réussite… Le roi compte, mais la France aussi. Pas vrai ?
    Quatre ou cinq hommes grommelèrent qu’on « verrait bien ». Il avait avec lui des guerriers accoutumés à combattre sans trop, parfois, s’interroger. À quoi bon s’efforcer d’éclairer leur conscience et répéter les arguments qu’il leur avait tenus, sur le chemin du Crotoy, dans un silence froid et peut-être hostile, parce qu’il était jeune et de plus chevalier.
    – C’est parce que je ne tiens pas à laisser ma peau sur la Grande Ile, messire, dit Callœt, que je n’aurai pas pitié pour le Goddon qui voudra me barrer le chemin… Et je le vois déjà…
    – Tais-toi… Nous n’y sommes pas… Nous avons du mal à trouver la quiétude… Pourquoi prends-tu plaisir à nous la perturber ?
    C’était loin d’être une admonestation. Tristan vit neuf visages blafards se tourner vers lui, curieux de savoir s’il parviendrait à mater ce Breton qui paraissait se délecter en se récalcitrant.
    – Ce ne sera pas simple, messire, dit enfin Callœt. Je le sais… Je sais même, et vous tous aussi, que nous sommes des couillons d’être là, pourpensant la meilleure façon de réussir cette entreprise absurde… Moi, je me fais plaisir d’occire qui m’emmerde… surtout si c’est un Goddon !… Et si je conchie les Anglais, c’est qu’ils ont triboulé 190 , violé, puis branché ma mère et mon épouse devant ma fillette et mon gars, lesquels, ensuite, ont subi le même sort… Tous appartenaient à Thomas de Dagworth… Oh ! Je sais, on le dit de petite naissance et on excuse ainsi sa tigrerie… «  On ne fait pas cela chez les vrais nobles  », allez-vous me dire, messire Tristan.
    – Tu me prêtes des pensées que je n’ai pas. Défie-toi de ce besoin que tu as de croire que les autres ont des idées contraires aux tiennes, adoncques des idées mauvaises, puisque les tiennes, forcément, sont bonnes !
    Il y eut des rires dont Tristan se fut passé.
    – Où était-ce, Callœt ?
    – À Langoat, tout près de la Roche-Derrien.
    – Dagworth est mort. Il a rédimé tous ses crimes 191 . Je suis certain, au risque de te mécontenter, qu’il existe de bons Anglais… En fait, c’est la guerre qui est mauvaise et qui nous corrompt tous le cœur et le cerveau. Sache bientôt, pour notre survie à tous, te conduire en homme, en guerrier, mais non pas en restorier 192 de ta pauvre famille. Pas vrai, compères ?
    Il n’y eut qu’un seul grognement de désapprobation : Gueguen qui peut-être comptait quelques morts en Bretagne. Au fond des yeux vairons de Callœt, la haine dansait toujours, bien vivante et même exacerbée. À quels funestes errements se laisserait aller cet homme s’il avait, juste un moment, les coudées franches ? Or, c’était précisément en lui faisant confiance – et honneur ! – que l’on pouvait réduire sa malfaisance.
    – Je ferai pour le mieux, dit enfin Callœt.
    La plupart des hommes baissaient la tête. La sèche confession du Breton avant que de se préparer à l’action s’insérait dans l’ordre et le déroulement des choses. Leur commune

Weitere Kostenlose Bücher