Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le poursuivant d'amour

Le poursuivant d'amour

Titel: Le poursuivant d'amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
Vom Netzwerk:
destinée n’appartenait plus, déjà, au petit monde isolé, menacé lui aussi, de la Goberde. Paindorge, Buzet, Morsang regardaient la mer par le même sabord ; Pagès suçait son pouce, écoutant, peut-être, dans le silence revenu, ces rumeurs d’immensités liquides ourlées aux souffles du vent ressuscité, et qui tapotaient familièrement la coque ; Raffestin se curait le nez d’un index qu’il considérait ensuite avec une attention sans doute décuplée par la pénombre.
    – J’en ai moult étripé, grommela Callœt. Mais c’est… comment dire ?
    – Insuffisant ?
    – Oui, Paindorge !… Insuffisant !… Et vous, messire, sachez que si ça va mal, je ferai ce qu’il me faudra faire !
    Tristan se sentit pâlir. Ce diable de huron, qu’il croyait avoir assagi, lui réservait des déceptions. Ailleurs qu’ici ce soir, il lui eût appliqué quelques franches gourmades, sans crainte de déchoir en une échauffourée d’où il fût sorti vainqueur. Si Callœt avait le droit d’occire des ennemis, il ne pouvait, cette nuit, faire valoir ses prétentions à la vengeance.
    – Passe-moi l’un des seaux, dit Gueguen pour clore toutes ces parlures. Il est temps que je me fasse beau… Allons, baille-moi ce seau, Paindorge.
    Bientôt, les seaux passèrent de main en main et la suie recouvrit chacun des dix visages.
    – Même le dessus des mains, compères, dit Tristan, montrant l’exemple.
    – Quand il nous verra, anticipa Triphon, il nous prendra pour les rois mages !
    – Si l’Edmonde me voyait…, ricana Pagès.
    Il raconta qu’il l’avait quittée par goût des aventures et par envie des hautes payes et des butins. Ce coup-ci, sûrement, ce serait la richesse.
    – Ou l’infortune, grogna Morsang.
    – Je reviendrai au pays de Langue d’Oc, insista Pagès en forçant sur l’accent. À Narbonne… J’élèverai…
    – Tes enfants ? suggéra Sampanier.
    – Mais non, bestiou  ! Des porcs, des moutons… Des bêtes qui rapportent. Car tu penses bien que l’Edmonde, depuis deux ans qu’elle ne m’a pas vu, et chaude comme elle était… Bah ! Elle a bien fait…
    – Castelreng, mon pays, proche de Carcassonne…
    – Macarel de macarel !… On est voisins, messire !… Eh bien, quand nous serons revenus en Langue d’Oc, je vous rendrai visite.
    – Je t’en saurai bon gré.
    – Bien sûr, si nous ne sommes pas morts avant.
    – Mais non, Pagès !… Mais non… Nous sommes sur une nef… Alors, tous les esparres 193 sont permis.
    On rit un peu, et beaucoup quand on se vit pareils aux nègres d’Arabie. Même Callœt, à qui Sampanier passa un petit miroir d’acier décroché de la cloison, se sentit soudain plus allègre. Jamais, dit-il, on ne trouverait pour cette action une occasion si parfaitement propice et des hommes aussi vaillants que ceux de ce soir.
    Il voulait paraître confiant, et même joyeux, mais sa voix, quelque affirmative qu’elle fut, tomba comme un pavé dans l’eau. Plus que jamais, elle avait un écho de mort et de mensonge. Paindorge haussa les épaules :
    – On fera ce qu’on pourra.
    – Faut y aller, dit Raffestin qui venait de regarder au-dehors. La nuit nous attend. Oyez, au-dessus de nos têtes, les pas des mariniers… Et ces bruits de sabords qu’ils sont en train de clore…
    – Faudra, dit Gueguen, souquer dur et en silence.
    Ils montèrent sur le pont, emportant les grappins et les cordes, et chacun avait ceint son épée. Les hommes de Calletot les saluèrent avec un respect non feint avant de descendre les deux batelets à l’eau. Des cordes pendaient au garde-corps. Tandis que Paindorge et Callœt en empoignaient chacun une et se laissaient glisser, Tristan se tourna vers le maître de la Goberde :
    –  Si nous sommes absents à la venue de l’aube, c’est que nous serons morts ou prisonniers. Partez… Je vous rends grâces de ce que vous avez fait pour nous… J’espère revenir afin de vous restituer votre arme…
    – Noir comme vous êtes, ce badelaire vous convient !… Avec une robe blanche, on vous prendrait pour Saladin !
    – J’aimerais pour, ce soir acquérir son astuce.
    – Vous reviendrez avec le prince de Galles… Dieu vous aidera !… Surtout, assurez bien vos rames à la coque afin de pouvoir repartir !
    Tristan s’assit à l’avant du bateau et leva les yeux sur la Goberde. Les mantelets des sabords étaient maintenant rabattus et solidement assujettis. On entendait les

Weitere Kostenlose Bücher