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Le poursuivant d'amour

Le poursuivant d'amour

Titel: Le poursuivant d'amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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bosquet planté de chênes et de hêtres, à trente toises, pas plus, de la demeure de Renaud de Cobham, refuge préféré du prince de Galles et de son épouse, d’après Charles de France. Les faits, cette nuit, allaient corroborer ou démentir cette assertion.
    – Avançons… et jetez-vous à terre au moindre bruit.
    Le groupe dont les membres s’étaient dispersés avança précautionneusement dans un terrain plat, bossué, dont la végétation se composait de ronces et de fougères. Tous les arbres qui avaient crû en ce lieu avaient été abattus. On trébuchait sur des souches, des chicots de baliveaux ; on glissait quelquefois sur des copeaux et des sciures humides.
    « La ramée enserrait ce manoir de trop près… À-t-on fait cela pour rendre la tâche des guetteurs plus aisée ?… Y en a-t-il ?… Combien ?… Et les serviteurs, combien sont-ils ?… Et les chiens ? Y a-t-il des chiens ? »
    –  Arrêtez un moment.
    Tandis que les hommes s’agenouillaient, s’accroupissaient ou s’asseyaient, Tristan, d’un geste, appela Paindorge et Callœt. Ensemble, écarquillant les yeux, ils s’interrogèrent :
    – Qu’en pensez-vous ?
    – C’est un châtelet, messire, dit Paindorge. Je ne vois pas comment on y accédera. Et vous ?
    – C’est ce qu’ils appellent un manor-house quand ils voient, en Bretagne, une ferme fortifiée. Par saint Yves, messire, j’ai toujours pensé qu’on se casserait le nez sur des parois épaisses. Eh bien, ça y est. Vous les voyez suffisamment d’où on est pour trouver notre entreprise impossible. Pas vrai ?
    Le manoir de Cobham était fortifié. Autant que Tristan put en juger, son enceinte semi-circulaire était bordée, sur son côté courbe, d’un fossé rempli d’eau, qu’une passerelle franchissait pour aboutir, comme à Vincennes et toutes proportions gardées, à un petit pont-levis, entre deux tours carrées assez basses, coiffées d’un toit d’ardoise en pyramide. La partie rectiligne de l’enceinte, privée de douve, était composée par les murs extérieurs de deux édifices jouxtant l’un et l’autre – et probablement mitoyens – une sorte de beffroi qui, sans doute, était le clocher d’une chapelle. Du toit du bâtiment le plus éloigné des trois hommes, une fumée s’exhalait, mince et blonde. Elle s’épaissit et brunit un instant.
    – Il y a là-dedans des gens bien éveillés, messire. Ils ont remis du bois dans l’âtre.
    – Eh oui, dit Tristan, le cœur serré par la conviction soudain aigre, désespérante, que son coup de vaillance était impossible.
    – Merdaille ! dit Paindorge.
    – Il nous faut voir cela de plus près.
    – Croyez-vous, messire ? demanda Callœt enclin, sans doute, à renoncer.
    – Le pont a été relevé… Aucun chien n’a donné de la voix. S’il y en a, ils sont enfermés pour la nuit… Paindorge, va dire aux autres d’avancer, mais attendez-nous ici… Qu’aucun ne soit ten té de tirer une lame. Pas de lueur, pas de bruit… Viens, Callœt et obéis !
    Le Breton, d’un signe de tête, signifia son acceptation et remit son poignard au fourreau. Tristan se retourna encore et, puisque Paindorge et les autres venaient de le rejoindre :
    – Amis, dit-il avec un sourire chagrin, si cela peut vous endurcir devant des périls qui subsistent et me semblent avoir décuplé, faites comme moi : pensez aux grands randons d’Édouard de Woodstock. À ses meurtres, pillages, embrasements de cités… Chacun de vous pourrait témoigner des crimes de ce démon, car si ses guerriers les ont accomplis, c’est lui seul qui les a gaiement perpétrés… Ne vous accouardissez pas. Nous devons entrer dans cette enceinte. Dieu et messire saint Michel nous y… exhausseront !
    Il s’était exprimé lentement tandis que son regard faisait le tour du groupe, interrogeant chaque visage luisant de suie et de sueur avec une ardeur qu’il voulait éloquente, stimulante. Il n’était plus, au reste, Tristan de Castelreng mais un soudoyer comme eux, décidé à leur prouver son astuce, son courage et sa force.
    – Allons-y, messire, dit Callœt. Et vous, les gars, faites-vous petits !
    Des sauvageons aux rameaux mêlés à fleur de terre, des souches aux racines serpentines, pareilles, parfois, à de maigres mains crochues, rendaient la progression malaisée. Il semblait que ces obstacles-là voulaient les dissuader d’avancer. L’énergie de Tristan s’en trouvait augmentée.

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