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Le poursuivant d'amour

Le poursuivant d'amour

Titel: Le poursuivant d'amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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vélocement.
    Une fois sur le sable, Tristan désigna les grosses épaves des galiotes.
    – À senestre en regardant la mer… Nous devons être en face de la Goberde… Tant pis pour ceux qui seront retardés.
    – Même si nous étions poursuivis, dit Gueguen, les archers n’oseraient tirer sur leur prince… Nous n’aurons pas de meilleur abri.
    – À condition qu’il soit devenu notre otage ! ricana Beltrame.
    – Avez-vous les flambeaux, les grappins et les cordes ?
    – Oui, messire, dit Callœt.
    – Alors, partons, enfonçons-nous dans les terres et trouvons le chemin de Cobham… Hâtons-nous !
    – Un moment, dit Callœt.
    Il se baissa et saisit à ses pieds un pichet aussi gros, mais sûrement moins épais que sa tête :
    – Buvons-en chacun deux ou trois goulées pour nous donner du cœur au ventre !
    – C’est quoi ? demanda Buzet.
    – De l’eau-de-vie, mon gars, pour une mission de mort… Vidons ça, les compains, à la santé du roi et à la gloire de Dieu et de Notre-Dame.
    On but, on enterra le pichet vide dans le sable. Et l’on partit d’un pas mou vers le chemin qui, contournant Rochester, conduisait au manoir de Cobham.
    – J’ai les jarrets durcis, murmura Sampanier. Jamais je n’ai piété aussi hâtivement.
    – Trouvons la pie au nid et tu oublieras ta fatigue.
    – Moi aussi, j’en ai plein les jambes !… On ne s’est pas perdus, messire ?
    – Non, Beltrame. Aligne tes foulées sur les miennes.
    – Moi, j’ai la rate (488) , dit Pagès en se frottant le ventre.
    Marchant, courant parfois, et scindés en deux groupes, ils n’avaient cessé d’avancer sur un chemin désert. Tristan et ses hommes précédaient Callœt et les siens d’une cinquantaine de pas, mais leur avance commençait à se réduire.
    – Point d’arrêt, dit Tristan. Mollir nous coûterait la vie. Vous regrettez sûrement vos chevaux… Moi aussi. J’ai hâte d’en finir, ne serait-ce que pour changer de vêtements. Cette flaireur de mer qu’ils dégagent me ferait vomir si je ne me retenais… Nous avons patouillé dans une pourriture… Courage !
    Ses yeux larmoyaient à force de scruter des ténèbres d’où émergeaient, livides, des amorces de sentiers, des bosquets, des fourrés. Parfois, un oiseau s’enfuyait, invisible, dans un clapotement d’ailes. Et cette contrée verdâtre sous un dôme de nuages noirs, immobiles et massifs, lui paraissait immense et presque aussi effrayante que celle des abords de Castelreng au temps de son enfance prime. Il les avait imaginés peuplés de Merlins et de Mélusines, de Lancelots accorts et de Mordreds cruels. Maintenant, adulte, il s’enfonçait dans un pays semblable ; il se précipitait dans une nasse immense, aux contours indiscernables, en se fiant à une bonne chance qui sans doute n’existait pas.
    Des arbres qu’aucun vent ne berçait, dentelaient le ciel de leurs rameaux blafards, pareils à des fumées pétrifiées ; çà et là quelques buttes hérissées de jonchères semblaient des cibles renversées lors d’une interminable épreuve de tir à l’arc ; plus rarement, quelques têtes de rochers se hissaient au-dessus des buissons, et l’on eût dit des heaumes ornés de plumails d’herbes. Aucun toit. En tout et pour tout, après qu’ils eurent contourné Rochester, ils avaient aperçu deux maisons. Le silence dur, autour d’eux, s’imprégnait d’une solennité qui semblait un défi à leur entreprise.
    – Allons, compères !… Hâtons-nous, les gars de Callœt nous rejoignent !
    Ils avaient une bonne raison.
    – Messire ! Messire, dit Beltrame en parvenant à leur hauteur. Voyez cette lueur, à senestre… C’est pas celle d’un pot à feu ?
    *
    – C’est bien là.
    – Nous allons approcher doucement, Callœt.
    – Dommage, regretta Gueguen, qu’on doive sortir du couvert des arbres.
    – Vous allez vous éparpiller, dit Tristan, mais pas trop loin les uns des autres… Soyez prudents et silencieux.
    – Il y a, je ne sais où, messire, comme un bruit d’eau.
    – C’est vrai, Morsang. Un ruisseau ou une petite rivière coule à proximité. Nous verrons cela plus tard, en cas de nécessité.
    – Étrange pays…, fit Sampanier.
    – On voit, dit Callœt, que tu n’as pas vu la Bretagne.
    Certains rirent – Gueguen et Triphon –, les autres se fâchèrent, trouvant ces parleries inutiles.
    La conférence avait lieu près d’une bosse caillouteuse, à la lisière d’un

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