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Le poursuivant d'amour

Le poursuivant d'amour

Titel: Le poursuivant d'amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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Bientôt, alors que le ciel se déchirait en lambeaux, laissant entrevoir une corne de lune, il fut au pied du manoir, à l’endroit où la douve cessait, l’eau étant retenue par un portereau 199 fermé en son milieu par une écrille 200 .
    – Contournons cette muraille côté terre.
    Ils avancèrent prudemment, prêts à se jeter dans l’herbe dès l’apparition d’un danger, mais les murs percés de minces et courtes archères paraissaient endormis comme ceux d’un château de rêve.
    – Il nous défie, dit Paindorge.
    Sous les lueurs d’un ciel d’encre et d’acier, lourdement allongée sur une terre pelée et dominée par sa haute tour percée à son sommet d’une baie géminée, la demeure de Renaud de Cobham s’affirmait comme un monument redoutable, défiant les incursions, les complots, les intempéries. Ses parois de granit, la pente aiguë de ses toitures renforcées d’un crénelage aux merlons pointus et terminées, à l’angle de la muraille bordant la douve, par une échauguette en poivrière évoquèrent, pour Callœt, le châtelet de Coadelan, dont il était natif. Pour Tristan, cette forteresse érigée en demi-lune provoquait dans les ténèbres suffisamment redoutables en elles-mêmes les pressentiments les plus funestes.
    – Tu as dis vrai, Paindorge, il nous défie.
    Il était accablé par la vanité de son entreprise. Un château, nullement un manoir. Si ses hommes et lui parvenaient à franchir ces parois, par quel miracle en sortiraient-ils ?
    – Ah ! C’est pas une maison des champs…, regretta Callœt.
    L’évidence le désinfatuait.
    – Trop haut de ce côté, dit-il encore. Si on lançait un grave ça ferait un tel bruit qu’il faut pas y penser. Mais rassurez-vous : les demeures, messire, c’est comme les femmes ; il n’y en a pas d’inviolables. Toutes cèdent sous le nombre et on est onze.
    – Contournons, dit Tristan, du côté de la douve.
    – J’ai vu du jaune dans une tour portière. Essayer de passer par là, c’est encourir la male mort… Mais entre ces tours et l’échauguette d’angle, le mur crestelé de la courtine me paraît moins haut… Faut traverser à la nage. À trois. Se faire la courte échelle. Je veux bien être en bas pour soutenir les autres.
    – Je t’en sais bon gré.
    – Une fois en haut, le gars de flèche nouera une corde à un merlon. Les autres monteront et se chargeront du pont-levis après avoir occis les gardes. Il y en a, je les ai flairés.
    – Le bruit des chaînes nous trahira. Il nous faut tous passer par cette même voie, maîtriser les vegilles et laisser un de nos hommes au pont-levis : il l’abaissera quand nous réapparaîtrons avec Édouard… si par bonheur il loge en ces murs cette nuit… Une fois le pont franchi, nous démolirons la passerelle. Nous trouverons bien, dans la tour portière, au râtelier d’armes, quelques haches pour cet usage… Qu’en dis-tu ?
    – Foi de Breton, c’est bien pensé !
    Dans la bouche de ce hutin, une telle phrase équivalait à un compliment.
    Un fantôme s’approcha : Morsang.
    – On se demande ce que vous faites…
    Il était impatient de repartir, et c’est pourquoi il ne se souciait pas d’avancer debout, l’air aussi quiet que s’il se mouvait en France, à Vincennes ou ailleurs.
    – Va rejoindre les autres !… Courbe-toi ! enragea Tristan.
    Et tourné vers Paindorge et Callœt :
    – Bon Dieu ! Si nous étions ailleurs qu’où nous sommes, je souhaiterais à cet écervelé de prendre une sagette…
    – Dans le cul !
    Tristan vit luire les dents du Breton : il riait pour la première fois. Il lui avait trouvé des mœurs sanguinaires ; il avait détesté en lui une absence absolue de cœur, un égoïsme assez peu fréquent chez les hommes d’armes, une irrémédiable passion de la mort. Mieux valait tout cela, en l’occurrence, que la légèreté d’un Morsang.
    – Oui, dans le cul ! approuva-t-il. Bon sang ! Viendrons-nous à bout de notre ouvrage ?
    Un temps inappréciable s’écoula lorsqu’il examina, une fois encore, ce refuge que Cobham n’avait guère dû fréquenter puisque l’essentiel de sa vie s’était passé en France.
    – Paindorge, va chercher les autres. Qu’ils se fassent petits !
    Et quand ils furent réunis, ombres grises immobiles sous la piètre clarté du ciel :
    – Callœt, Paindorge et moi allons traverser cette douve à la nage après avoir laissé une extrémité de corde

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