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Le poursuivant d'amour

Le poursuivant d'amour

Titel: Le poursuivant d'amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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miroitants cependant que les eaux psalmodiaient un hymne invariable, obsédant comme un chant de mort.
    Tristan frissonnait ; Luciane également dans sa robe estivale. Paindorge se baissa, mouilla son visage et dit : « C’est glacé », puis : « Partons ! » Et à la pucelle si hardie, pourtant, d’apparence et dont la force d’esprit faiblissait.
    – Montez… Vous aussi, messire… Gare à vos lumières : si elles s’éteignaient, nous serions condamnés… Vous prendrez les rames, messire, quand nous aurons quitté cet asile infernal… La chaîne n’est point verrouillée…
    Luciane s’agenouilla au-devant de la barque. Tristan s’assit sur la toste, à proximité de l’étrave, tournant le dos à la jouvencelle. Il posa son esconse entre lui et Paindorge, qui lui fit face après avoir dénoué l’amarre.
    La coque oscilla et le courant l’emporta sans qu’il fût besoin de trop manier les pelles.
    – À la grâce de Dieu, dit l’écuyer tandis que l’esquif se coulait sous la voûte.
    Le clapotement des flots était devenu plus bruyant tandis que, violent et pervers, un souffle d’air échevelait la flamme de la torche.
    – J’ai soif, dit Luciane. L’émoi me sèche la gorge.
    – Moi aussi, dit Paindorge.
    – Si nous nous en sortons, leur promit Tristan, nous nous paierons tous trois une buverie dont nous conserverons souvenance… même vous, Luciane.
    Son rire devint soudain une plainte effrayée :
    – Une chute !… L’eau bouillonne et tombe de haut !
    – L’on dirait cent tambours furibonds, dit Paindorge.
    Tristan s’assit dans le sens du courant. À demi allongée, Luciane levait son flambeau et l’abaissait par intermittence. Son bras lui faisait mal.
    – La caverne se sépare en deux, dit-elle. Touchez,
    Robert, au plus près de la muraille dextre… Ce qui se déverse là, c’est le trop-plein du duit 234 … Nous ne sommes pas loin au-dessous du pont-levis.
    – Deux lieues ! enragea l’écuyer. Deux lieues entre Cobham et la Goberde !
    Plus que la précédente, cette fuite exigeait une volonté peu commune, presque incompatible avec l’état de leur esprit et la faiblesse de leurs nerfs.
    – Nous réussirons, affirma Tristan.
    Il saisit les rames et retrouva la facilité des gestes que tous ses défunts compagnons avaient accomplis pour gagner, de la Goberde, cette côte au sable moelleux que peut-être il ne reverrait pas, quelque assurance qu’il en eût donnée à Paindorge et à Luciane. « Dieu les accueille en son bleu Paradis, même Callœt dont l’âme était si noire ! » L’onde clapotait. Souvent, la jouvencelle prévenait : « Courbez-vous ! » Ils passaient alors sous des épieux rocheux ou des bouffissures emperlées de grosses gouttes glauques. De loin en loin, la quille raclait un roc puis s’immisçait dans des grenailles de pierre. « On va s’échouer », grognait Paindorge, mais après, le ralentissement qui l’avait courroucé, c’étaient encore des hauts fonds sur lesquels on glis sait dans un friselis indolent et les plocs des pelles entamant l’eau en même temps pour en extraire des chapelets de perles.
    – Je pense, messire, dit l’écuyer visiblement heureux de s’exprimer sans baisser la voix, je pense que la bonne chance nous a bien servis. Aucun fer n’a entaillé notre chair… Nous avons fui sans déshonneur puisque nous nous étions bien défendus… Nous avons rejoint et nous allons sauver cette damoiselle qui nous a permis de revoir la Goberde avant qu’il fasse jour.
    – Ne parle pas trop tôt de revoir la Goberde  ! Nos épreuves, hélas ! ne sont pas achevées.
    Tristan adressa un sourire d’encouragement à la jeune fille. Elle s’était à demi retournée, la voûte redoutable, brusquement élevée, lui permettant d’abandonner sa surveillance. Son sein pur débordait de l’encolure de sa robe sans qu’elle y eût pris garde. Voyant le regard de Tristan se porter dessus, et contrairement à ce qu’il augurait, elle n’eut aucun mouvement de prudoterie offusquée, mais noua posément l’amigaut 235 relâché. Elle devait ignorer les hontes fallacieuses, les délectations sournoises. Comme Oriabel. Dans son visage blafard où ses cheveux traçaient quelques raies d’or soyeux, son sourire était celui de l’innocence et de la gratitude.

– Si nous restons en vie, messire, je voudrais…
    Un brusque souffle d’air venant de l’extérieur coucha la flamme de la

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