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Le poursuivant d'amour

Le poursuivant d'amour

Titel: Le poursuivant d'amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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ulcérante. « Nous pouvons tous trépasser !… Si Woodstock met la main sur nous, sa vengeance sera terrible ! » Quoi qu’il fît et pensât pour se rassurer, son espérance de vivre s’amenuisait.
    – Hâtons-nous, dit la pucelle.
    – Là où j’ai échoué, Luciane, peut-être allez-vous réussir en partie.
    Elle ne répondit pas. Tout au fond du couloir où elle avançait, il aperçut une porte basse, large, qui, une fois ouverte, franchie et close, révéla une échansonnerie où, alignés sur deux murs, des tonneaux et des barils empilaient leurs bedaines cerclées de fer.
    – Sûrement du vin de Bordeaux, dit Paindorge.
    – Passez-moi votre esconse, messire… Tirez ce râtelier vers vous… Aidez-le, messire… messire comment ?
    – Tristan.
    – Moi, dit Paindorge, c’est Robert… Robert Paindorge…
    – Tirez !
    Les trois rangs de futailles empilées quatre par quatre sur des poutres évidées afin de les maintenir en équilibre se soumirent aux tractions de Tristan et de l’écuyer. Derrière, creusé au milieu du mur, apparut une porte à l’huisserie de bois renforcé de ferrures.
    – Poussez… Quand nous serons entrés, vous tirerez à vous toute cette futaillerie et nous refermerons ce battant…
    Ce fut fait. Tristan prit l’esconse et se retourna. Il se tenait sur la dernière marche d’un escalier de pierre, droit, lugubre, et respirait l’air fétide d’un souterrain au bout duquel clapotait une eau vive.
    – Un soir, dit Luciane, ils parlaient tous deux devant la fenêtre ouverte sans savoir que j’étais dessous. Dame Jeanne eut des frissons dont son époux s’inquiéta. Elle lui dit qu’elle avait peur d’être occise par les sicaires de son beau-père lors d’un assaut tel que le vôtre. Le prince Édouard lui a révélé l’existence de ce passage en l’assurant qu’ils auraient le temps de s’y réfugier… J’ai fait tout mon profit de cette confidence en me disant qu’un jour, peut-être, je trouverais le courage de fuir… Bien sûr, je me suis admonestée : fuir est une chose, mais comment traverser la mer ?
    Elle s’exprimait tout en descendant les degrés feutrés d’une sorte de mousse et glissants comme un verglas. Elle s’arrêta, demanda : « Vous suivez ? » et reprit sa progression, apparemment insensible à la froidure des murailles.
    – Je ne sais pas si tout ce que son époux décrivit à la belle Jeanne est vrai… Il y a, en bas, une rivière souterraine… Une partie en a été déviée, au-dessus de Cobham, pour emplir le vivier.
    Comme Luciane s’immobilisait encore, Tristan admira son profil grave que doraient la flamme inégale de la torche et celle, plus menue, du lumignon de l’esconse à travers la feuille de corne poussiéreuse.
    – Je crois, messires, que nous y sommes.
    La jouvencelle sauta de la dernière marche, la plus élevée de toutes, et prit pied sur une sorte de promontoire autour duquel courait une petite rivière.
    – Une crypte ! s’écria Paindorge.
    Dans le radieux épanouissement des flammes brandies par Luciane, ils virent des murs de schiste d’une hauteur du double de leur taille, travaillés en bossages, et une voûte en berceau d’où pleuviotaient des gouttes. Quatre piliers verdâtres et gluants soutenaient ce couvercle de pierre. Au pied de l’un d’eux brillait l’amarre d’une nacelle à peine plus petite que celles de la Goberde et dont la coque dansait sur les tresses d’un courant vif. Dedans, il y avait quatre rames assez courtes. Paindorge désigna l’énorme bouche d’ombre où les eaux disparaissaient, rouges d’avoir touché aux flammes de la torche.
    « Le Phlégéthon 233  », songea Tristan, fasciné par les flots embrasés.
    D’un regard, il voulut réconforter Luciane – sans parvenir à se rassurer lui-même. Un malaise les étreignait. Cette immense chapelle dont ils ne pouvaient embrasser tout le faîte ni sonder la plupart des recoins semblait le réceptacle de férocités imprévisibles, prêtes à se manifester s’ils touchaient à l’esquif. Quelles taupes avaient creusé ce sanctuaire ? Quelle vie secrète l’animait certains jours ou certaines nuits ? Les énormes excroissances pustuleuses, qui çà et là se gorgeaient des lueurs des pauvres luminaires, semblaient des corps pétrifiés dans des linceuls de cristal après l’intervention d’une puissance maudite, foudroyante, et cette chose les observait de ses yeux multiples et

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