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Le poursuivant d'amour

Le poursuivant d'amour

Titel: Le poursuivant d'amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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et leur revenue à Cobham, et paraissant aussi chasser de sa mémoire des souvenirs plus anciens, calamiteux :
    – Je ne pouvais dormir… Votre fuite m’avait rendue à cette mélancolie dont j’ai tant souffert les premiers jours de mon arrivée en Angleterre.
    – Seriez-vous si malheureuse ?… Chambrière d’une princesse…
    – Elle peut-être douce ou mauvaise… Je voulais demeurer à Saint-Sauveur. Elle m’a donné à choisir : la suivre ou servir dans… dans un bordeau de Calais… Mais elle me mentait : elle fut toujours bienveillante envers moi.
    – Vous m’en voyez heureux.
    – Cessez donc ! les adjura Paindorge. Ils arrivent… Oyez le bruit qu’ils font…
    – Trop tard, hélas ! pour détacher les chevaux et nous saisir de la belle Jeanne !
    Tristan se tourna vers le porche béant et convint, désespéré, tout en écrasant la sueur qui fourmillait dans ses sourcils avant de troubler sa vue :
    – Ils arrivent… Ils ont couru aussi vélocement que nous.
    – Si vous consentez à m’emmener, je vous sauverai… Allez relever le pont… Suivez-moi !
    Précédés par la chambrière, ils coururent jusqu’au seuil d’une tour portière dont la jouvencelle gravit l’escalier en soulevant sa robe jusqu’aux cuisses afin d’en enjamber plus aisément les marches. Leurs yeux accoutumés à l’ombre savaient discerner tout ce qui pouvait contrarier leurs mouvements, de sorte qu’ils accédèrent sans dommage à la machinerie après que Luciane eut poussé la porte ouvrant sur la courtine. Paindorge vit le treuil et le manœuvra sans difficulté. Le heurt du tablier contre le cintre de l’entrée le rassura : il se frotta les mains tandis que Tristan se demandait si le bruit des chaînes et du grand panneau de bois remonté à la verticale n’avait pas attiré l’attention.
    – Et maintenant ? dit-il. Woodstock et ses gens d’armes vont faire une telle frainte (494) que l’homme qui se trouve auprès de la princesse courra baisser le pont !
    – Nous serons loin… Venez.
    Prenant Tristan par le poignet avec une autorité, une violence que celui-ci ne lui avait pas soupçonnée, Luciane l’entraîna, suivi de Paindorge jusqu’à la porte entrebâillée du beffroi qui résista sous sa poussée. Tristan la rabattit d’un coup d’épaule, déplaçant ainsi le cadavre qui en avait empêché l’ouverture.
    – C’est Gordon Bubble, le plus gros et le plus cochon des sergents de Cobham… Avançons. Je sais où trouver des flambeaux.
    La pucelle tâtonnait dans un noir absolu. « C’est ici », dit-elle. Il y eut un petit grincement puis des bruissements et des heurts. Quelque chose tomba que Luciane repoussa du pied. Tristan sentit sur sa nuque le souffle précipité de Paindorge. Comme lui, l’écuyer devait s’étonner de s’en remettre à une volonté qui, pour être féminine et juvénile, ne manquait ni de rigueur ni d’opportunité.
    – Où nous conduirez-vous ?
    Tristan se reprocha d’avoir posé cette question d’une voix tellement oppressée qu’elle lui paraissait vaine, incompréhensible. Une fatigue apparemment insurmontable l’accablait. Ses genoux et ses pieds semblaient se solidifier, se plomber ; ses coudes acceptaient mal les fléchissements et ses reins glacés semblaient avoir été ouverts à coups de serpe.
    – Vers le salut… si Dieu me le permet !
    Tristan reconnut le crissement d’un fusil battant une pierre à feu. L’ombre dure fut éclaboussée d’étincelles et Luciane, pour une fois, laissa paraître son courroux :
    – Il me faut recommencer. L’humidité des murs corrompt tout.
    Elle frotta de nouveau le fusil sur la pierre. Tristan voulut lui proposer son aide mais, après de nouvelles étincelles, l’odeur de l’amadou prêt à s’embraser le rassura. Quelques souffles lents, soigneux, puis de plus en plus vifs revigorèrent le petit rubis dont il avait craint l’extinction. Il grossit et soudain flamba, pétilla. La torche à son contact en fit autant, répandant sur les murs une clarté d’un or fumeux et frémissant.
    – Prenez cette esconse là, dans ce recoin… Tirez-en la chandelle et approchez-la de ma torche.
    Une fois la mèche allumée, la chandelle remise en place, à l’abri de sa boîte de cuivre et de corne, Tristan se libéra du falot en le passant à Paindorge dont les mains, sans doute, trem blaient moins que les siennes. Il se morfondait, tenaillé, fouaillé par une impatience

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