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Le poursuivant d'amour

Le poursuivant d'amour

Titel: Le poursuivant d'amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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vouliez marcher. Ma pelle touche le fond… Nous aurons de l’eau jusqu’aux jarrets…
    – Sautons… Non pas, vous, Luciane… Nous vous porterons…
    Tristan offrit ses bras à la pucelle. Il reçut aussitôt contre lui ce corps à la nudité perceptible sous la tiretaine gorgée d’eau ; et autour de son cou des bras souples et fermes ; sur sa joue le bout d’un nez frais et quelques cheveux épars, aussi blonds dans les ténèbres que ceux d’Oriabel.
    – Hâtons-nous… Nous n’avons rien de trois trucheurs 238  !
    Paindorge se glissa de biais, dans des joncs et des herbes crépitantes. La peur le regagnait. L’eau chaussait Tristan des orteils aux genoux, froide et grumeleuse. Il pataugeait d’autant plus profondément dans la vase que le poids de Luciane s’ajoutait au sien. Enfin comme il commençait à souffrir des épaules, il sentit que le fond montait, durcissait sous ses semelles. Ses pieds, entravés de longues et visqueuses lanières, trouvèrent des appuis plus nombreux et plus sûrs.
    – Voulez-vous que je la porte ?
    – Non… Inutile…
    Tristan éloigna son visage de celui de Luciane ; il vit son sourire. Le même apparemment que celui d’Oriabel.
    – Là, dit la jouvencelle. Un talus.
    Paindorge les attendait en haut.
    – Lâchez-moi… Je monterai seule.
    Il obéit et la déposa lentement, avec des précautions qui lui tirèrent un nouveau sourire avant qu’elle ne glissât, comme un baiser, cette confidence au bord de son oreille :
    – Vous êtes beau et fort, messire…
    Elle soupira, se reprit et en deux ou trois bonds fut auprès de Paindorge qu’aucune difficulté ne rebutait.
    – Rien… Pas un bruit, mais le vent nous est contraire… Je suis sûr qu’ils nous cherchent.
    – Partons… Le jour va poindre… Pourvu que nous trouvions à temps cette crique !
    Je n’ose imaginer ce qu’ils me feront s’ils me prennent, dit Luciane.
    Notre sort n’est guère plus enviable que le vôtre, m’amie…
    Ils marchèrent puis coururent dans des herbes sèches et des broussailles. La nuit qui les enveloppait commençait à grisailler. La fraîche haleine de la mer aggravait le froid de leurs membres.
    – Nous réussirons au moins notre retour…
    Tristan ne disait cela ni pour complaire à Luciane ni pour stimuler Paindorge. Il commençait à le penser. Dans son cœur, avec cette certitude que son écuyer eût trouvée sans doute insensée, montait, par longues flambées, une exaltation qui contenait les germes de sa vie future. Il eut envie de s’ébaudir : « Beau et fort, moi ? » Nullement. Un poursuivant d’amour ? Pas même… Encore qu’une étreinte l’eût apaisé… Cette brève pâleur d’un sein ferme, innocent. Cette opulence d’une croupe entrevue dans la barque et lors de la montée du talus… Si proche qu’il eût pu la toucher… Qu’eût dit alors Luciane ? Qu’eût-elle pensé de lui ? Ces lacis d’herbes qui entravaient leur marche… Réussir… Vierge, Luciane ?… Quinze ans… Vierge peut-être. Aucune lascivité, chez elle. Une sorte de fermeté, de droiture… L’odeur de la mer dissipait maintenant la senteur de leurs sueurs associées… Un bon bain… Nus… Pourquoi Paindorge s’arrêtait-il ?
    – Oyez !… Ils ont fait du chemin !
    – Ils ne sont pas près de trouver notre trace !
    Luciane écoutait, la bouche avancée comme pour recueillir sur ses lèvres ces rumeurs de haine encore lointaines. Tristan posa sa main sur son épaule aussi paternellement que possible. Mais y avait-il réussi ? Pourquoi se poussait-elle ainsi contre lui ?
    – Courons, dit Paindorge… Voyez-vous, droit devant, ce que je vois ?
    C ’était un enclos d’herbe rase. Deux vaches et deux chevaux y paissaient. Quelque part, un grillon jouait de sa mandore. Il se tut. I
    –  Restez là… Je vois la porte.
    Paindorge ouvrit l ’huis sans qu’il grinçât. I
    –  Ce sont deux haquenées. Elles ont un licou… Nous monterons à nu… moi seul, et vous, évidemment avec la damoiselle.
    Cet évidemment semblait intentionnel. Moqueur et hargneux à la fois.
    – Veux-tu la prendre avec toi ?
    – Oh ! Non, chuchota Luciane.
    – Cette coursière noire, messire, est plus solide que l’autre. Prenez-la…
    Tristan s’approcha de la jument. Une coursière, effectivement, nerveuse d’inquiétude. Quatre ans, peut-être. Une bête de roi sinon de prince. Dommage qu’il ne pût l’embarquer sur la Goberde. Mais

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