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Le poursuivant d'amour

Le poursuivant d'amour

Titel: Le poursuivant d'amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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torche ; un second l’éteignit. Luciane dit simplement :
    – Passez-moi ce falot, messire.
    Et quand elle eut l’esconse en main :
    – Il est temps que nous sortions ! La chandelle est presque consumée.
    Elle s’agenouilla de nouveau à l’avant, insoucieuse de montrer à ses compagnons, s’ils la pouvaient entrevoir, une croupe dont la tiretaine mouillée révélait les rondeurs.
    – Je sens que l’air devient plus chaud, dit Paindorge.
    Il ne se méprenait pas : la nuque de Tristan, son dos en sueur frémissaient sous une tiédeur nouvelle.
    Les ténèbres se désépaissirent. La barque parut rouler sur des graviers puis glissa, et ses occupants sentirent au-dessous d’eux des profondeurs peut-être effrayantes. Ils n’entendaient rien d’autre, maintenant, que leurs respirations douloureuses d’épuisement et d’anxiété. Quelque chose qui n’était pas un rocher racla le bordage, et cela ressemblait à un crocodile. Le ripement dura jusqu’à ce que Paindorge eût repoussé la chose de sa rame.
    – Un tronc de baliveau, dit-il.
    Les parois du souterrain semblèrent venir à la rencontre l’une de l’autre, gluantes, et la quille glissa sur ce qui pouvait être des plantes et de la vase.
    – Les rames à l’intérieur, dit Tristan… Tout se resserre : les murailles et le toit ! Laissons cagoler 236 .
    Un peu de ciel parut entre des escarpements blafards. Après avoir sinué sous une nouvelle voûte, l’embarcation parut jaillir entre les tentacules d’une pieuvre énorme, dressée afin de mieux considérer sa proie : c’étaient les racines d’un arbre juché au-dessus de la rivière.
    – J’éteins ce falot, dit Luciane.
    – C’est bien, dit Paindorge. Sa lumière, même petite, nous trahirait. Allez, messire, joignez vos palades 237 aux miennes !
    L’étrave de l’esquif s’enfonça dans un taillis d’aulnes, et même en heurta quelques-uns.
    – Ne nous faites pas chavirer, dit Luciane.
    Posant une rame le long du bordage, Paindorge utilisa l’autre comme gouvernail tandis que Tristan tirait de toutes ses forces sur ses pelles, heurtant çà et là des roches et des herbes.
    – Dès que nous trouverons une rive assez plate, nous y aborderons.
    – Encore une voûte, dit Luciane… Non, c’est un pont… Mais je ne vois rien qui nous permette d’atterrir.
    Elle jeta la lanterne dans la rivière.
    La clarté des eaux frémissantes les guidait entre des berges rugueuses, déchiquetées, où de hautes rocailles leur dissimulaient la campagne. Tristan frémissait de froid, d’angoisse, d’impatience. Cette nuit sur son déclin lui faisait mesurer leur petitesse à tous et la présomption dont il avait fait preuve en acceptant une mission folle et meurtrière. Il allait jurer Dieu contre son orgueil et son absurdité lorsque son regard rencontra celui de la jouvencelle. Il sourit :
    – Luciane est un beau nom.
    – Celui de ma mère-grand.
    – Et celui de votre père ?
    – Le chevalier Ogier d’Argouges…
    Elle dit comme pour elle seule : « La peste noire, la guerre », tandis que Tristan se refusait à poser d’autres questions. Après ce qu’il avait subi, il se sentait incapable de pitié, mais sa sollicitude envers Luciane était immense. Paindorge toussota :
    – La mort nous a enlevé de bons gars.
    Tristan approuva. En leur compagnie, il eût mené la vie dure aux Goddons. Seule la perte de Callœt lui semblait justifiée – encore que son aide lui eût été précieuse.
    « Moi, j’ai manqué à mes devoirs ! Bon sang, j’avais réussi… Je tenais dans mes mains le hutin d’Angleterre ! »
    Il était si cruellement sensible à cette défaite que des larmes de rage humectaient ses paupières.
    Paindorge, lui, semblait sans mémoire et sans forces. Il ne s’intéressait qu’au sillage du bateau, déployé en larges ondes métalliques.
    – Calletot nous attendra jusqu’à la dernière miette de nuit.
    – Oui, messire.
    – Voyez cette double lueur, dit Luciane. La rivière se sépare… Il vaut mieux suivre le cours de dextre et marcher dès que nous le pourrons.
    L’écuyer manœuvra sa rame-gouvernail et Tristan fournit ses derniers ahans, si soutenus et si violents que ses paumes, déjà douloureuses, lui parurent prêtes à saigner. L’étrave de la barque s’enfonça dans des racines, des tiges et des branches, et s’y coinça.
    – Merdaille ! grogna Paindorge… Arrière, messire, à moins que vous ne

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