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Le poursuivant d'amour

Le poursuivant d'amour

Titel: Le poursuivant d'amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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allait-il trouver la nef de Calletot ? Pour réussir, il faudrait galoper sur la plage, s’exposer à la vue des Goddons matineux : lécheurs, manouvriers, archers du guet.
    – Vous allez chevaucher ainsi qu’une manante ! Point de rênes et de sambue (495) .
    – J’aime galoper à calefourchies.
    – Bien… Je monte le premier, vous en croupe, aide-la donc, Paindorge.
    Un pied sur le genou de l’écuyer, Luciane souleva très haut sa robe pour enjamber la jument sans se soucier d’exhiber le blanc nacré de l’intérieur de ses cuisses et jusqu’à un petit blanchet 239 , images confondantes pour deux compères qui, sans doute, s’interrogeaient de la même façon : « Que pense-t-il d’elle ? En est-il épris ? » Quand elle fut assise, son ventre et sa poitrine collés au dos de Tristan, elle tendit la main :
    – Nous n’avions pas vu cette maison !… Voilà qu’un chien y aboie et qu’une lumière s’allume !
    C’était vrai. Le chien donnait de la voix et l’on remuait derrière la fenêtre éclairée.
    – Hâtons-nous, dit Tristan.
    Il serrait le licou dans sa dextre et, dans sa senestre, la longue crinière de la jument. Paindorge sauta sur le dos de sa monture, plus âgée, plus placide, et qui devait être grise des naseaux à la queue mais paraissait d’une blancheur liliale dans ce qui subsistait encore d’obscurité.
    – Au galop, dit-il. Défions-nous de la brouée 240 qui s’épaissit… Cette clarté, là-bas, c’est sûrement la mer !
    – Au galop, répéta Tristan.
    La belle jument noire hennit et s’ébroua fièrement avant de s’élancer à la suite de sa compagne.
    *
    Le brouillard annonçait la venue du matin. Plus les trois fugitifs approchaient de la mer, plus les grandes charpies cotonneuses gagnaient en épaisseur et en opacité. Elles s’agglutinaient en masses glacées dans les creux des vallons et déployaient leurs blêmes oriflammes au faîte des coteaux. Le sable maintenant remplaçait fréquemment la terre et la pierre.
    Sans se soucier d’être compris, Tristan soutenait de la voix sa monture : seule l’intonation importait ! Docile, elle traversait les champs, les friches, au risque d’y égratigner sa belle robe sombre tout emperlée de gouttelettes. Dans son sillage, la jument blanche renâclait. Luciane qui se retournait parfois l’en courageai d’un : « Allez, Grisette ! » avant de recoller sa joue, sans doute avec plaisir, sur le dos de son sauveur.
    Les odeurs des herbes et des humus mouillés emplissaient les narines de Tristan. Il flairait parfois la mer sans la voir et sa fureur enflait à mesure que rétrécissaient ses espérances. Trois ou quatre fois, il avait immobilisé la Noiraude. Il avait d’autant mieux entendu les cris des pourchasseurs que le silence lui paraissait lui-même hostile.
    – Encore heureux, dit-il, qu’ils n’aient aucun chien !
    – Vous oubliez celui de la maison où nous avons emprunté ces juments.
    – De toute façon, Luciane, le sol est ameubli par toute cette humidité. Quand le jour se lèvera, ils trouveront les marques des fers.
    – Pourvu que Calletot nous attende ! cria Paindorge.
    Des cailloux ; un chemin. Les sabots y cliquetèrent comme des épées qu’on oppose. Une rivière encore, mais un pont l’enjambait.
    – Nous ne sommes jamais passés par ici en venant…
    Ensuite, un fossé plein d’eau. La Noiraude en eut jusqu’aux pâturons et frissonna. Luciane laissa poindre son angoisse.
    – Je commence à désespérer, dit-elle.
    S’ils avaient été seuls… Mais non, se dit Tristan, tout était bien ainsi. La Noiraude prenait une grande battue et s’élançait courageusement dans un champ.
    – La mer ! s’écria Paindorge.
    Un éclair d’acier fumeux entre deux mamelons herbus. Un jaillissement, un miracle alors que les hurlements de la meute humaine se fortifiaient et que l’aube, à peine rouge, soulevait dans l’air des mauvis, des corbeaux, des émiaules (496) aux criaillements incessants…
    – À dextre, messire… C’est à dextre, j’en jurerais ! Un sable mou et sec où les montures s’empêtraient. Couper droit à la mer. Là, au moins, tout près des vaguelettes, les juments trouveraient des appuis solides, partant des turbulences nouvelles.
    – Allez, messire !
    À dextre, oui… Une immensité grisâtre au sable tacheté de haillons gluants déposés par le flux nocturne. Au bout, trois choses. Mais quoi ? Devant, sur

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