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Le poursuivant d'amour

Le poursuivant d'amour

Titel: Le poursuivant d'amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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espèce, nous ne serions que des bêtes.
    – C’est vrai, dit Thierry. Je n’étais qu’un manant… Ogier me fit son écuyer. J’ai connu Aude, sa sœur… et me suis dit qu’elle n’était pas pour un gars de mon espèce… Mes espérances m’ont soutenu dans cet amour incongru pour Ogier et peut-être, au commencement, pour son père. Or, la divine Providence m’a secouru…
    – Tant que je…, commença Tristan sans achever.
    Tant qu’il ne serait pas allé à Castelreng, tant qu’il n’aurait pas vérifié si Oriabel et Tiercelet y séjournaient en l’espérant, il resterait fidèle à son premier amour.
    Constance déposa devant lui une cuiller, une écuelle et un couteau. Il s’aperçut que ses amis étaient pourvus en tout mais, se tournant, il attrapa la jouvencelle par un pan de son surcot :
    – Vous avez oublié mon écuyer. Nous ne commencerons pas sans lui.
    Constance n’eût point rougi davantage s’il l’avait insultée ou s’il lui avait exprimé son désir de partager sa couche. Bonne à prendre, elle aussi, sans doute. Mieux valait observer Luciane et s’adresser particulièrement à elle :
    – Quels que soient les chemins que nous emprunterons, j’ai hâte de voir des arbres et surtout ceux qui portent des fruits !… J’ai hâte de mordre dans une poire, une pomme que j’aurai cueillie… J’ai envie de galops dans l’ombre des forêts. Je sais la Normandie fort belle et avenante, mais c’est de la Langue d’Oc que je me languis.
    – J’aime ce nom de Castelreng.
    Nul doute que Luciane l’eût fièrement porté. À l’entour des murailles, les loudiers 291 vivaient comme s’ils eussent été seuls sur terre. La fenaison, les labours, la tonte des blés puis leur battage à grands coups de fléaux pacifiques, l’entretien des vignes et la vendange, les cueillettes de toute espèce employaient leurs journées et leur donnaient des nuits paisibles. Ils étaient quelque deux cents dont les maisons s’éparpillaient dans la plaine et sur les coteaux avoisinant le château où jamais ils n’avaient eu à s’enclore au vu de quelque péril. Ce farouche géant de pierre semblait défier les menaces. Eût-il été assailli qu’un souterrain permettait l’envoi de quelques messagers à Caudeval, Bouriège, Roquetaillade, Festes, Montaragon…
    Regardant alternativement Luciane et Thierry, Tristan leur confia sans détours qu’il n’avait jamais songé avec autant d’émoi et d’acuité à la chevance 292 de sa famille. Pas même, songea-t-il, dans l’enfer de Brignais.
    – Castelreng me manque. Il est plus accort pour moi que Puivert où les ménestrandies, hiver comme été, lancent au ciel des musiques et des chansons… Plus accueillant que tous les châtelets qui l’entourent, bien que j’aime assez Monthaut tout en haut de sa montagnette… Si un jour tous les trois nous descendons en Langue d’Oc, nous les irons voir.
    Il s’adressait particulièrement à Thierry, les forteresses concernant surtout les hommes de leur espèce. Et celui-ci acquiesçait, récompensé aussitôt par un sourire de sa nièce.
    Paindorge apparut, la démarche dandinée comme s’il se mouvait encore sur le pont de la Goberde. Il s’assit face à Thiery, essuya contre ses cuisses et son pourpoint des mains hâtivement lavées, mais propres :
    – C’est fait, les chevaux mangent…
    Il loucha sur la chopine et les gobelets que Constance déposait sur la table :
    – La nuit doit leur suffire à réparer leurs forces.
    – As-tu examiné leurs fers ?
    – Oui. Même ceux de votre coursier, messire Champartel.
    L’oncle de Luciane emplit le gobelet de l’écuyer :
    –  Un  : mon cheval n’est pas un coursier mais un roncin dont la mère a sûrement été saillie par un étalon d’Arabie. Deux : ne m’appelle pas messire. Je ne suis rien d’autre qu’un gars comme toi qui a eu la chance de pouvoir sauver, à Crécy, le roi Philippe. D’où mon entrée dans la chevalerie. Appelle-moi Thierry sans forcer ton respect, et demeurons-en là.
    Tristan désapprouva cette aptitude à la familiarité. Le souvenir de Tiercelet anéantit son blâme.
    – Partons-nous demain ? dit-il.
    Luciane acquiesça et, tournée vers son oncle :
    – Qu’en penses-tu, Thierry ? Quelque chose ou quelqu’un te retient à Paris ?
    Champartel sourcilla et vida son gobelet puis, en le reposant :
    – J’ai quelques bons amis circonstant 293 le roi Jean et mon oisiveté

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