Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le poursuivant d'amour

Le poursuivant d'amour

Titel: Le poursuivant d'amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
Vom Netzwerk:
me pesait… Mais j’ai changé d’avis lorsque j’ai vu l’Archiprêtre… Quant à avoir quelqu’un dans ma vie… Non, je n’y ai personne et je m’en trouve bien.
    La bouche de Luciane eut un frémissement. Retenait-elle un sourire ? Et de quoi ? De satisfaction ? Depuis son veuvage, à moins qu’il ne fût un saint, Thierry avait dû remédier à son esseulement par la présence de quelques belles.
    – Crois-tu que l’Archiprêtre sera de ceux qui suivront le roi en Avignon ?
    – Je ne lui ai point adressé la parole.
    – S’il est de ce reze 294 , une surveillance accrue s’imposera. Il y aura du rapt dans l’air. Les routiers le commettront mais il en tirera profit.
    Thierry opina favorablement :
    – Je sais tout ce qu’il faut penser d’Arnaud de Cervole. Jamais les Anglais ne nous pardonneraient de… perdre le roi Jean. Qu’il tombe par malheur au pouvoir des routiers leur ferait penser que cet enlèvement est une astuce pour le soustraire à sa captivité.
    – Bien dit !… Si les routiers s’emparaient de notre suzerain, ils en demanderaient un prix énorme. Or, le royaume est pauvre au point de ne pouvoir acquitter la rançon que les Goddons ont exigée après notre défaite à Poitiers ! Le dauphin serait inca pable de satisfaire les exigences de cette vermine. Il nous donnerait à tous commandement de les assaillir pour délivrer son père. Ce serait peut-être un nouveau Brignais.
    – Comment faire ? interrogea Paindorge.
    – Veiller sans trêve sur le roi même s’il en a déplaisance. D’ailleurs…
    – D’ailleurs ? demanda Thierry.
    Tristan se fut exprimé sans balancer en l’absence de Luciane. S’il révélait franchement sa pensée, n’allait-elle pas le considérer comme un être brutal et irrespectueux ? Eh bien, la vérité prévalait, en l’occurrence, sur toutes les subtilités du langage :
    – Je l’ai vu. Il est malade… Point, comme il le devrait, malade de vergogne, mais malade de maladie… Quelque chose le ronge…
    – Un poison que lui auraient donné les Goddons ?
    – Je les en crois incapables. Leur intérêt à eux, c’est qu’il vive longtemps.
    – Pourquoi dis-tu : à eux  ? Crois-tu que le régent Charles pense à ce que nous pensons maintenant ? Crois-tu que Charles de Navarre soit toujours son compère et qu’ils ont intérêt l’un et l’autre à ce que…
    Tristan eut un geste évasif. Le régent et le Navarrais étaient-ils toujours aussi liés qu’autrefois ? Les rumeurs les avaient dénoncés comme complices, mais Charles de France avait renoncé à la tentation d’occire son père. Seuls les murs du Vaudreuil 295 savaient la vérité.
    – S’il meurt, dit Paindorge, la question de sa rançon ne se posera plus. Et puis quoi ? Ce qui m’importe à moi, c’est que nous ne soyons plus en guerre ! C’est que cessent enfin les haines, les batailles, les ruines… Or, je vais vous dire une chose. Si le régent voulait que nous nous emparions d’Édouard de Woodstock…
    L’écuyer s’interrompit : Constance, qui s’entendait à rôdailler parmi les tables en prêtant intérêt aux conversations des cinq ou six manants venus vider un gobelet chez dame Goussot, mettait plus longtemps qu’il ne le fallait pour déposer sur un plateau, certainement forgé par son père, une chaudronnée de lentilles rehaussées de lardons et de saucisses.
    – Adoncques… Holà ! Damoiselle, apportez-nous du pain.
    Paindorge s’irritait un peu. Constance et Luciane échangèrent un regard neutre et tandis que damoiselle Goussot s’éloignait à pas lents, l’oreille tournée vers les quatre convives, l’écuyer dit tout bas, montrant l’ustensile rebondi et fumant, entre les écuelles :
    – Le regard de cette donzelle me paraît aussi brûlant que ce chaudron.
    – Vous avez de l’appétit ? Elle a de l’appétition pour vous, dit Luciane. Elle se sent seule et s’ennuie. Vous ne savez rien de cela peut-être. Moi, si…
    – Et moi ! dit Thierry.
    – Et moi ! dit Tristan, la gorge serrée.
    – En tout cas, dit Paindorge… Nous avons le chaudron, la marmite s’en va (513) … Et je continue : si le régent voulait que nous prenions le prince de Galles, c’était moins pour l’échanger contre son père que pour annihiler une rançon qui rend de jour en jour plus misérable notre malheureux royaume.
    Tristan approuva, touché par l’ardeur de son écuyer tout autant que par son

Weitere Kostenlose Bücher