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Le poursuivant d'amour

Le poursuivant d'amour

Titel: Le poursuivant d'amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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barques et de bacs où s’entassaient poissons et légumes. Le ciel glauque lui-même, au lieu de l’alléger, semblait écraser, pour la maintenir au sol, la fétidité de la ville.
    Luciane remonta le collet de son pourpoint pour y enfoncer son nez.
    Après le souper de la veille, Thierry l’avait emmenée dans la friperie contiguë à la demeure des Goussot pour la vêtir en homme : il y était aisément parvenu, faisant même l’acquisition d’une paire de houseaux à plis 299 destinés à protéger les genoux de sa nièce et qui n’avaient été portés qu’un jour, au dire du fripier, par un hobereau de douze ans. Afin qu’elle y dissimulât ses tresses, un chaperon bleu turquin avait achevé ces emplettes.
    « Elle est bien belle ainsi tout de même », songeait Tristan qui, de dos, admirait une taille d’amphore. « Pour qu’elle chevauche au mieux, comme une noble dame, je lui avais offert une sambue 300 dont elle s’était montrée contente. J’ai dû la revendre à perte à ce fripier… qui sans doute est un Juif tant il est âpre en affaire… À l’avenir, je ferai montre de moins d’empressement ! »
    Cette transaction avait équilibré, cependant, les débours nécessités par la remise en état de son armure. Portant sa dextre en arrière, il la toucha du bout des doigts à travers la fardelle de cuir qui la contenait.
    Luciane et son oncle allaient en avant, Paindorge les suivait, et lui, Tristan. Ils n’échangèrent aucun mot pendant longtemps, attentifs aux mouvements des manants de plus en plus nombreux et des bacs, petits et grands, sur la Seine. Les oiseaux chantaient. Les toits humides de rosée brillaient de toutes leurs tuiles et leurs ardoises rénovées aux rayons du soleil. Il y avait dans le ciel plus clair des merles et des rossignols en rupture de campagne. Sur la berge en friche du fleuve, les ajoncs, les églantiers, les ronces, se parsemaient de lueurs, et parmi le saphir et le jais qui résistaient à l’aurore, brillaient le rubis et la nacre.
    Tout s’illuminait peu à peu : les fenêtres des maisons rares, les parchemins huilés de quelques gros chalands, les ogives d’une église. Ils s’emplissaient la vue de ces éclaboussures lumineuses et s’imprégnaient le corps de la chaleur naissante. La nature prenait une espèce d’essor, de confiance en elle-même. Eux quatre également.
    – Sais-tu, dit Luciane à son oncle, comment j’ai baptisé mon cheval ?
    – Comment le saurais-je ?
    – Marchegai, comme celui de père, bien qu’il ait du blanc sur ses pieds de derrière et que son chanfrein en soit étoilé.
    – Tu as bien fait… C’est un bon cheval arzel et je vois que tu n’as rien oublié.
    – Le mien, c’est Tachebrun, dit Paindorge. Je sais que c’est le nom du roncin de Ganelon, mais si son naître était un traître, rien ne prouve qu’il a trahi !
    Il rit brièvement. Luciane dit encore :
    – Malaquin est le nom de celui de Tristan… Et le tien, qui me semble à tous crins ?
    – Il n’a pas de nom. Je l’appelle parfois mon ami… ou Charogne !
    – Il faut qu’il ait un nom ! Un nom digne de lui.
    – Alors, donne-lui celui que tu voudras !
    Tristan, toujours derrière, ne pouvait voir l’expression du visage de Luciane, mais il imagina le sourire qui l’illuminait lorsqu’elle dit :
    – Taillefer !… C’est le nom de ce bateleur de l’armée du Conquérant. À Hastings, il marcha au premier rang, devant Guillaume, en chantant les prouesses de Roland à Roncevaux. Il demanda l’honneur de frapper le premier coup et périt transpercé comme saint Sébastien.
    – Je veux bien pour le nom. Je réfute la fin. Qu’en penses-tu, toi ?
    Thierry tapota l’encolure du cheval. Il hennit deux fois et recommença.
    – Je crois qu’il est satisfait, dit Luciane.
    Derechef, ils chevauchèrent en silence, puis la pucelle demanda :
    – Combien de jours pour atteindre Gratot ?… Tu dois le savoir, toi qui fis le chemin quelques fois.
    Thierry, debout sur les étriers, se tourna vers ses compagnons pour les faire profiter de sa réponse :
    – Il y a cent lieues à couvrir. Je pourrais dire que nous mettrons une semaine, mais nous pouvons être amenés à augmenter de quatre ou cinq lieues notre reze 301 pour éviter des routiers, des Goddons, des Navarrais tous cruels. Godefroy d’Harcourt est mort depuis six ans mais il a des émules en méchanceté.
    – Je ne veux pas que les Anglais me

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