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Le poursuivant d'amour

Le poursuivant d'amour

Titel: Le poursuivant d'amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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lui. Il n’est hanté que par des remembrances. Mais ne le suis-je pas moi aussi ? »
    –  Eh bien, messires, dit Luciane, vous êtes moins diserts que cet après-midi !
    Sa chair de blonde éclairait la pénombre où elle s’était assise – juste dans une encoignure d’où elle pouvait observer tout ce qui se passait dans la salle.
    – J’ai besoin, dit Thierry, de reprendre des forces. J’ai couvert des lieues et des lieues en vain.
    – D’où viens-tu ? demanda Tristan.
    – Anchin.
    – Où est-ce ?
    – Quelques maisons et un moutier sur une petite île formée par la Scarpe et deux ruisseaux, l’Ecaillon et le Bouchard, aux environs de Marchienne. L’abbaye d’Anchin est moult célèbre… toute proche de Pecquencourt.
    – Qu’allais-tu faire si loin ? demanda Luciane.
    – Chaque année, depuis l’an 1096, un tournoi rassemble en ces lieux 290 la fine fleur des chevaliers. L’on m’avait dit que c’était en été. Or, c’est au printemps qu’il faut s’y rendre.
    – Si tu avais l’intention de tournoyer et jouter, où as-tu mis ton armure et le reste ?
    Thierry sourit à sa nièce. La dureté tout apparente de son écorce parut craquer, révélant un cœur tendre encore :
    – Ah ! dit-il, voilà l’inquisition qui commence… Eh bien, sache que je ne loge que rarement à Paris. J’ai pris pension à Orgeval, chez une vieille dame en attendant de décider, soit de vaguer de joute en joute, soit d’aller vivre en Pierregord. Mais il va de soi, maintenant, qu’il me faut repasser par Gratot avant de retourner dans mon pays natal… où je t’emmènerai puisque tu es seule… En revenant d’Anchin, je suis passé par Orgeval. J’y ai déposé mes fardeaux et laissé mon sommier à l’écurie.
    Tristan demeurait coi. Il voyait en Thierry un de ces hommes assez rares qu’une longue pratique des armes et la fréquentation aisée des gens de toute espèce lui désignaient comme un chevalier véritable. Ses premiers propos l’avaient déconcerté. La méfiance née de sa propre expérience des êtres l’avait voulu ainsi. Par une sorte d’harmonie imprévisible, cette présence, après celle de Luciane, adhérait à tout ce qui l’environnait. Paindorge qui, en ce moment, devait achever le pansage des chevaux, avait accompagné, sans la dissiper, sa solitude. Avec l’écuyer, Thierry et Luciane, un cercle chaleureux s’était formé autour de lui. Il n ’osait le rompre mais l’envie, parfois, l’en démangeait.
    L’oncle de Luciane ne le subjuguait ni par son expérience ni par son âge ni même par l’espèce de sagesse désabusée qu’il dégageait. Moins il songeait à se découvrir des ressemblances avec lui, plus la personnalité de Thierry coïncidait avec la sienne. Il était accort comme lui, seul comme lui, mal heureux comme lui, aventureux et méfiant comme lui.
    – À quoi pensez-vous ?… Eh bien, Tristan… À quoi pensez-vous ?
    Il répondit qu’il éprouvait ce soir un sentiment nouveau, agréable et solide : le soulagement d’avoir des amis et de paroler d’autres choses que de batailles et de chevauchées belliqueuses.
    – Je n’ai qu’une idée en tête : retrouver mon père… Je sens qu’il est vivant. Je sais qu’il pense à moi.
    – J’en suis acertené : nous le retrouverons.
    Thierry exprimait sa conviction avec la même intensité d’espérance que lui, Tristan, éprouvait pour sa recherche d’Oriabel. Et cependant, pour complaire à Luciane qui baissait tout à coup la tête et d’un pouce tremblant essuyait quelques pleurs, il dit en réprouvant son zèle et son ardeur :
    – Je ferai le chemin près de vous… Mais je quitterai Gratot en hâte afin d’être à Vincennes au service du roi. Je l’accompagnerai en Avignon et de là, au galop, j’irai visiter mon père…
    Luciane prit la main qu’il lui offrait avant de relever vers lui des yeux qui, aux lueurs des chandelles apportées par Constance, paraissaient sombres, immenses et pleins d’une ferveur dont il regretta la franchise.
    – Je vous regracie, Tristan.
    – Ne dites plus un mot ou vous repleureriez !
    Il riait mais son esprit se laissait envahir par des scènes imaginaires. Pourquoi fallait-il qu’il eût rencontré cette pucelle ? Pourquoi refusait-il de rompre avec le passé des amarres aussi lâches que fragiles ?
    – C’est peut-être une folie d’imaginer mon père en vie.
    – Non, m’amie. Sans croyances de cette

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