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Le poursuivant d'amour

Le poursuivant d'amour

Titel: Le poursuivant d'amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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élocution.
    – Une guerre, dit Thierry, nous permettrait de nous revancher. Je la ferais de bon cœur. Je ne puis pardonner aux Goddons tous leurs crimes.
    – Mais la trêve est signée ! objecta Tristan.
    – Elle humilie la France ! Elle nous humilie tous. L’on s’efforce, en Normandie, de respecter ce traité de Brétigny-lez-Chartres 296 qui profane notre honneur et toutes nos bannières. Les seigneurs de Hambye, de Marcé, Henri de Thiéville, Robert de Clermont, le Baudrain de la Heuse et le bailli de Caux se sont portés garants de respecter cette paix qui mutile notre royaume. Et qu’en est-il advenu ?… Eh bien, l’on s’est battu… Les gens de Navarre, non seulement Charles, mais son frère Philippe, ont excité les Goddons à provoquer partout où ils le pouvaient, en Bretagne et en Normandie, de mortelles embûches. Ce qu’il faudrait…
    – Parle, dit Tristan. Je crois que je conçois ce que tu vas nous dire.
    D’un mouvement de main, Thierry repoussa une hésitation dont il semblait avoir vergogne :
    – Ce qu’il faudrait, c’est escarmoucher. Mener contre les Anglais une petite mais terrible guerre… Venger nos morts… La morille avait aminci leurs rangs, mais ils sont tout aussi nombreux qu’avant… Qu’en penses-tu, compère ?
    Tristan n’osa répondre négativement.
    – Il y a pire que les Goddons, dit-il. Les routiers des compagnies. C’est cette engeance-là qu’il faut détruire. Et puis, s’il est possible, les Navarrais… Mais nous sommes deux…
    – Trois, dit Paindorge.
    – Si Charles le Mauvais perdait sa male vie, le royaume, déjà, serait en meilleure santé. Jamais il n’aurait dû pouvoir s’enfuir de sa prison d’Arleux 297  !
    – Quand un pays tombe en décrépitude, les portes des prisons s’ouvrent aisément. Et dés lors la ruine s’accélère… Sur cette fange est né Etienne Marcel, traître et malandrin… Hélas ! Je crains qu’il n’y en ait d’autres.
    Luciane n’avait rien dit. Inutile de l’interroger pour apprendre qu’elle ne désirait qu’un bienfait : la quiétude, et que cette bonace, elle ne l’obtiendrait qu’en retrouvant son père. Vivait-il encore ? Bien que morcelé par l’Angleterre, le royaume de France était vaste pour des hommes de guerre tout aussi perdus dans ses plaines et ses forêts que ceux qui, au fin fond des siècles, avaient cherché le Graal sans le trouver jamais.
    – Nous partirons demain, dit Thierry, mais avant, ma nièce, il me faut te vêtir en homme chez le fripier d’à côté. Sur les chemins que nous prendrons, les femmes sont en danger. Il faudra même bandeler tes seins. Plus ils seront à l’étroit mieux cela vaudra. Pas vrai, compères ?
    Tristan et Paindorge approuvèrent.
    Luciane avait clos ses paupières. C’était le signe d’un assentiment pudique et d’une résignation que Tristan ne lui connaissait pas. Thierry lui-même en fut troublé.
    – Quand tu as cet air-là, tu ressembles à ta mère au point que j’ai envie de t’appeler Blandine.
    – Et tu en es heureux ?
    La réponse vint, différente de celle que tous attendaient :
    – Pas trop, Luciane. Pas trop, en vérité.
    *
    Alors que les brumes de la Seine commençaient à se dissoudre, ils traversèrent le Pont-au-Change, contournèrent Notre-Dame et franchirent le second bras du fleuve par le Petit-Pont.
    – À senestre ou à dextre ? interrogea Paindorge.
    – Dextre. Nous allons costier la Seine jusqu’à Boulogne… Fie-toi à moi : je connais le chemin.
    Puis Thierry rassura sa nièce :
    – Fie-toi à nous. Flourens et Yvain ont émoulu nos épées. À trois contre vingt…
    – Nous serions vainqueurs, acheva Tristan.
    Ni Paindorge ni Thierry ne relevèrent cette jengle 298  ; Luciane se détourna pour l’en remercier.
    Ils allaient lentement, pénétrés d’une fraîcheur vivifiante qui enfumait leur haleine et les couvrait de chair le poule. Les chevaux, eux aussi, de leur souffle puissant, ennuageaient leur tête d’une mousseline éphémère.
    Paris somnolait. On voyait dans les rues des fantômes agiles : maraudailles et chiens s’en allaient dans leur antre ; parfois, une luisance de mailles dénonçait un homme du guet. Des contrevents s’ouvraient. Aux deux heurts des vantaux sur le mur de façade succédait un claquement pareil à un coup de fouet. Il révélait, sur le pavement gras, le vidage d’un pot de chambre.
    Paris puait. La Seine puait, chargée de

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