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Le poursuivant d'amour

Le poursuivant d'amour

Titel: Le poursuivant d'amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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époux !
    – Autant que je lui souhaite vie, autant je veux voir la preuve de sa mort s’il est par malheur trépassé.
    Ayant épuisé ses idées, Tristan s’abstint de tout autre commentaire.
    – Quand j’insiste pour que Thierry m’en dise davantage, il se renfrogne.
    – Parce que, m’amie, votre parent ne veut pas contrarier le sort. Il ne prend pas ses désirs pour des choses avérées.
    Elle acquiesça et posa enfin devant l’âtre le soufflet qu’elle n’avait cessé de tenir à deux mains devant le haut de ses jambes.
    – Vous êtes bon, Tristan.
    Bon, lui ? Il avait incité Luciane à l’espérance, et plutôt que de le rosir, l’espérance pâlissait le visage de la pucelle. Il s’était efforcé de ne s’en tenir qu’aux faits, et Luciane lui en savait bon gré. Cependant, il voyait combien l’influence de l’invisible chevalier devenait profonde sur un esprit prêt à se merveiller. Si une espèce de gloire auréolait un personnage qui, sans bute, hélas ! n’était plus qu’un tas d’ossements quelque part, une certitude nette et comme exaspérée illuminait le visage de son enfant.
    Il s’approcha de la jouvencelle. Ce n’était point du désir qui le poussait vers elle, mais l’envie de lui rendre hommage. Ou bien un sentiment mitigé, incompris de lui-même.
    – Non, dit-elle.
    Et de reculer comme une fileuse de laine pour laquelle l’amour valait moins que la sainteté.
    – Vous m’avez dit tel jour des paroles si…
    – Je ne m’en repens point car je les ai pensées.
    Ils étaient souffle à souffle et leurs regards mêlés.
    Paindorge les sauva en apparaissant quelque peu débraillé, les cheveux défaits, pailletés de fétus. Son sourire cessa :
    – Holà ! Je me sens de trop.
    – Reste, Robert, dit Luciane. Je m’en vais me changer ; je pense qu’il en est temps !
    Elle disparut, offrant à la vue des deux hommes une croupe tranchée d’un soupçon de pénombre.
    – Pardonnez-moi, messire !
    – Je devrais te congratuler, au contraire. Je ne sais pas ce que j’aurais fait.
    – Moi si ! s’esclaffa l’écuyer. Reste à savoir si elle se serait regimbée.
    Il se saisit du soufflet et fit flamber le feu avec une énergie exagérée. Puis, posant une bûche sur le foyer pétillant d’étincelles ! :
    – Ne lâchez point, messire, la proie pour l’ombre.
    Tristan, déconcerté, se garda de répondre.
    *
    Les chevaux bouchonnés, étrillés, affouragés, Guillemette servit une collation composée d’œufs brouillés à la ciboule, de pain rassis et de cidre amer. Il fallut, ensuite, soigner le poignet de Paindorge. Sa main gonflée, douloureuse se fermait mal. Le sang extravasé a vait, pendant la nuit, empouacré son bandage, Luciane, qui avait proposé son aide, fit la grimace quand la navrure apparut, profonde, un peu bleuâtre.
    – Qu’en dites-vous, Guillemette ?
    – Bah !… Je ne crois pas nécessaire de coudre ces lèvres-là. Elles vont s’ajointer toutes seules.
    – Je préfère…, soupira Paindorge.
    – Dans deux jours tu seras guéri… Eh bien, Raymond, qu’attends-tu pour quérir le pot de feuilles de lierre cuites au vin ?
    Raymond s’éloigna tandis que Luciane abstergeait la plaie « aussi bien qu’un mire », selon Guillemette. Paindorge, qui n’osait regarder sa blessure, posa la question que Tristan hésitait à formuler :
    – Qu’est-ce qu’on va faire ?
    – J’ai mal dormi…, commença Thierry en jetant dans la cour, par la porte grande ouverte, un morceau le pain autour duquel des poules s’empressèrent.
    – Tu peux demeurer céans, dit Luciane d’une voix froide, imprégnée de rancune. Je comprends que tu sois iodé (522) . Moi, je le veux chercher dès maintenant.
    Raymond qui revenait, un grand pot dans ses mains, dut réprouver l’entêtement de la pucelle. Il décocha une œillade à son épouse, laquelle, par un froncement de sourcils, exprima son désaccord. Tristan conjectura qu’ils savaient quelque chose. Il voulut tempérer l’ardeur de Luciane :
    – Vous ne disposez, dit-il, d’aucun indice. Et le temps a coulé…
    Était-il seul à percevoir chez cette aventureuse ce désir forcené de retrouver son père, plus déterminé, peut-être, que son envie à lui de revoir Oriabel ?
    – Vous ne pouvez, dit-il, cheminer au hasard.
    Où et comment, par quels témoins, pensait-elle obtenir d’autres indications que celles qu’elle tenait de son oncle, de

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