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Le poursuivant d'amour

Le poursuivant d'amour

Titel: Le poursuivant d'amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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bonne litière dans une écurie dont la meilleure place appartenait au roncin de Raymond, un noiraud d’humeur paisible.
    « J’aiderai Paindorge à les panser. »
    Lentement, il gagna le logis seigneurial, poussa la porte et vit Luciane. Accroupie devant la cheminée où craquetait un feu qu’elle avait ranimé, elle maniait le soufflet à coups rapides et la fumée, docile, restait dans l’âtre plutôt que de s’en échapper.
    Elle se leva.
    – C’est vous !… Je croyais que c’était Raymond…
    Elle n’acheva point, troublée sans doute qu’il la découvrît si matineuse donc sans apprêts, ignorant que sa beauté suppléait le négligé de ses ajustements.
    Il marcha vers elle d’un pas mesuré, comme s’il craignait que la plus faible hâte à la rejoindre mît un terme à cette présence inattendue.
    – Déjà levée !… Avez-vous bien dormi ?
    Il s’inclina, contemplant le doux visage imprégné d’or mat, les yeux limpides où se miraient comme à plaisir les lueurs des flammes montantes, la bouche maintenant close, les longs cheveux épars sur le dos, les épaules.
    – Vous voilà parée comme une princesse.
    Elle n’était vêtue que d’une chemise blanche. Un blanc nacré, vibrant, aussi frais, aussi doux qu’un brouillard de printemps. Une fine ceinture de fils de laine tressés, blancs eux aussi, soulignait la courbe douce et flexible de ses hanches. Ce vêtement transparent tombait en plis larges et oscillait un peu, telle une corolle à laquelle on eût donné la souplesse de l’eau et le frémissement d’une aile. La poitrine s’y trouvait moulée sans étreindre, un duvet de broderie entourait la naissance du cou dont il soulignait la roseur.
    – Vous semblez une fleur… Une fleur merveilleuse.
    Le compliment ne fit aucun effet.
    – C’est un présent que Raymond fit à Guillemette avant leur mariage. Elle veut que je le conserve.
    – Vous l’offenseriez en refusant… Comme cette blancheur vous sied !
    Elle savait qu’il la voyait par transparence. Ses seins étaient solides fermes et oblongs. Leurs aréoles formaient sur le tissu léger deux petits sceaux à peine perceptibles mais les tétons pointaient, virginaux, insolents. L’encoche du nombril semblait large, profonde. Elle avait la jambe longue, le mollet fuselé, la cuisse ferme. Elle mit soudain sa main, ses mains devant le reste. La blondeur du froment avant la fauchaison.
    – Holà ! Messire…
    Elle partit d’un rire assez bref, équivoque.
    – Ne vous nourrissez point d’idées audacieuses.
    Puis brusquement et sans vergogne :
    – Je lui ressemble ?
    Fustigé par ce rappel, Tristan fit un pas en arrière, Luciane sourit encore, croyant l’avoir dégrisé, or ce recul lui permettait de la contempler mieux encore, de le pénétrer de ses contours, de ses roseurs, de sa blondeur. Il était traversé par l’épée d’un désir différent de ceux qu’Oriabel lui avait inspirés… Oriabel, c’était la douceur, de grandes vagues d’exultation douce, des ac colements de chairs et non pas ces corps à corps qu’il pressentait à la vue de cette statue de la Tentation, pour la seconde fois – la première remontant à la veille –, il acceptait qu’une autre beauté se substituât à son esprit seulement à celle de ses premiers émois amoureux. La rusticité, la précarité de sa vie, de leur vie dans l’affreux donjon de Brignais, lui avait interdit de voir, au seuil de leurs ébattements, Oriabel autrement que nue. Jamais, pas même en présence de Perrette Darnichot, le velours de la chair et la brume d’une étoffe ne s’étaient présentés à ses regards tels des complices éphémères. Se pouvait-il que la bataillarde qu’il avait vue occire un malandrin plus sot, sans doute, que malfaisant, fut cette… Il n’osa employer, même secrètement, le mot déesse  ; cependant, devant cette tangible et pure déité, ses pensées ne laissaient pas de devenirs impures.
    – Je songeais à père, dit-elle, sachant qu’en interposant le disparu dans leurs propos et leurs desseins, elle exorciserait le reste.
    Elle reprit le soufflet et, s’accroupetonnant, élargit et gonfla quelques flammes timides.
    – Je me demandais pourquoi Raymond, qui l’a peut-être mieux costié 338 que mon oncle, en parle devant moi avec tant de parcimonie.
    Tristan, dégrisé, eut un geste évasif. La retenue de Raymond ne le surprenait pas. Il la comprenait. Il eût pu même en inférer que

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