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Le poursuivant d'amour

Le poursuivant d'amour

Titel: Le poursuivant d'amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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participant des lampadéphories apportant à l’absent, en préservant la flamme de sa main, le bien-être d’une chaude et simple vie de famille.
    – Elle n’en mène pas large ! dit Paindorge. Elle amassé sa coiffure sous son chaperon et endossé une cotardie… qui dissimule ses nasches 341 , mais je crains que le frère tourier, s’il a de bons yeux, ne devine qu’elle n’a pas plus de prunes entre les cuisses que je n’ai de tétons sur le devant de la poitrine.
    L’oncle et la nièce, côte à côte, ignoraient encore, semblait-il, comment ils s’y prendraient pour s’annoncer.
    – Laissons-les faire et approchons-nous du portail.
    Ils longèrent un mur chevronné de lierre d’où jaillit un merle mécontent. Derechef, ils s’arrêtèrent et Paindorge désigna le sommier sellé, prêt à recevoir l’inconnu.
    – C’est le moins las de nous tous.
    – Oui… Regarde. Le portail s’entrouvre… Ils entrent… Lions les chevaux à ces arbres… et viens.
    Ils attendirent ; attente brève : ils virent, à peine entrée, Luciane sortir seule, éplorée. Elle courut dans leur direction et trouva refuge entre les bras de Tristan dont elle mouilla l’épaule de ses larmes.
    – J’ai eu peur, dit-elle, le souffle brisé. J’ai peur, me faut maîtriser cette couardise et je n’y parviens pas… Mon cœur saigne… J’ai besoin de marcher…
    Elle le lâcha et s’éloigna droit devant elle, dépassa les chevaux, marcha encore en se frottant les yeux, les joues.
    – Laisse-la, enjoignit Tristan à Paindorge qui la voulait rejoindre. Ce qui la destourbe, c’est moins de connaître son père que de se demander s’il quittera ces murs ou s’il y restera. Mais vois…
    Le vantail s’ouvrait. Thierry apparaissait, tenant par épaule un homme sans froc de bure et qui s’encolérait, semblait-il, d’être tiré de son reclusoir. Tristan, lentement, s’approcha.
    *
    –  Ainsi, ils m’ont trahi !
    Ogier d’Argouges demeurait dans l’ombre de l’abbatiale. L’aspect sévère du monument correspondait à l’âpreté de son visage. Par le vantail largement ouvert, il pouvait voir, au bout d’un tunnel de pénombre, des moines en coule et parfois en roque occupés à élever mur d’un bâtiment conventuel. C’était de ce groupe hommes que venait de sortir, une truelle à la main, le père de Luciane.
    – Pourquoi faut-il qu’ils m’aient dénoncé ? Je leur ais fait jurer de se taire.
    – Même pour moi ton parent !
    – Oui. Je voulais oublier toute ma vie d’antan.
    – Y es-tu parvenu ? demanda Thierry en prenant la truelle et en la déposant sur le seuil du logis.
    – Non.
    – Quatorze ans sans se voir si je sais bien compter.
    – Dieu l’a voulu ainsi.
    – Non, c’est toi, mon serourge 342 .
    – Et quand cela serait… Me jetterais-tu l’opprobre ?
    Ogier d’Argouges ne se regimbait point. Il redoutait d’être jugé, condamné, mais sans graves conséquences. Il était vêtu d’une sorte de longue camisole de futaine élimée, vénérable, et qui, en ville, eût suscité des risées. Son chaperon bossué, noir, poudreux, auquel une cornette manquait, simulait involontairement une toiture décrépite. Le regard de Tristan tomba sur des chausses grises, informes, aux genoux renforcés de deux pièces prélevées sur un drap bleu et raccoutrée : tant bien que mal. Toutes ces fripes avaient été chauffées par tant de soleils, pénétrées par tant de pluies, râpées par tant de cailloux et de graviers qu’elles exprimaient non point une déchéance mais une indifférence aux usages et au cours de la vie. Car plutôt que de ressembler à un miséreux, vagabond ou ribaud coureur de grands chemins, cet homme malgré tout incarnait la santé de l’esprit et du cœur ; quelque chose de grand et de tragique émanait de sa personne, et dans le flamboiement de midi, son visage exprimait une sérénité tellement inaltérable qu’on eût dit celui d’un ana chorète.
    – Ils ne nous voient pas, dit Paindorge soudain présent.
    Trop occupé à observer le père de Luciane, Tristan estima superflu de répondre.
    Il s’était composé, au fur et à mesure des propos de Thierry consacrés à l’absent, un portrait idéal de ce leude. La dissemblance le réduisait au mésaise. Un prud’homme, certes, mais qui avait perdu son éclat comme il avait perdu son armure de fer. L’espèce de manant que côtoyait Champartel était le contraire et le

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