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Le poursuivant d'amour

Le poursuivant d'amour

Titel: Le poursuivant d'amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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parut déçue. Thierry avait sourcillé. Tristan et Paindorge échangèrent un regard.
    – On n’en finirait pas, dit Raymond. Sachez que si vous voulez aller de Coutances à Valognes, soit douze lieues, il vous faut trois sauf-conduits pour ne point compromettre votre vie. Le premier, délivré, moyennant finances, à Coutances. Le second, moult plus cher, pour tout ce qui entoure Saint-Sauveur-le-Vicomte. Enfin, le dernier, plus coûteux que les deux autres, pour le pays de Valognes. Il faut avoir quatre yeux au moins pour traverser les bois du Plessis, près de Saint-Jores… Et j’allais oublier les guetteurs de chemins : meurtriers par plaisir, soudoyers passés aux gages des garnisons dissoutes, loudiers 337 las des travaux de la terre. Ils occupent les maisons abandonnées par des familles apeurées qui vivent en forêt, dans des grottes et dans les roseaux des grands étangs… À la Mancelière (520) des infortunés ont creusé des souterrains. Ils y Vivent avec leurs chevaux et leurs vaches… Croyez-moi, mieux vaut tomber au pouvoir des Goddons et des Navarrais que dans les griffes des guette-chemins.
    – Tout ceci, dit Tristan, m’incite à me féliciter d’être encore vivant. Mais vous, Raymond, vous Guillemette, n’avez-vous point peur qu’une nuit ces enfants de Satan assaillent ce châtelet ? L’on doit savoir que vous n’êtes que deux…
    Tout en offrant son gobelet à Raymond, qui l’emplit de bon cœur, Tristan observait Luciane. Elle restait sereine. Aucun de ces propos ne l’avait effrayée.
    – Godefroy d’Argouges, dit Guillemette, avait été l’ami de Godefroy d’Harcourt. Et messire Ogier, son fils, ne lui fut pas hostile même quand le Boiteux de Saint-Sauveur s’allia à l’Angleterre… Je puis même dire – Thierry le sait déjà – que lorsqu’il se mit à chercher Luciane, messire Ogier fréquenta le Boiteux qui pouvait l’enditter (521) . Comme il fut aussi l’ami des Navarrais, il se peut que Godefroy d’Harcourt ait donné commandement aux uns et aux autres de laisser Gratot en paix.
    Luciane étouffa un bâillement sous sa paume. Ses yeux brillaient de fatigue et de bien-être.
    – Dès demain, dit-elle. Je veux que dès demain nous nous mettions en quête.
    Elle se leva. Elle chancelait un peu. Guillemette s’empressa et, la prenant par la taille :
    – Viens, enfant… Ta chambre est préparée… J’espère que tu y feras de beaux songes. Ceux de la plus belle espèce : ceux qui s’accomplissent.
    Sans un mot et sans même se retourner, Luciane se laissa entraîner.
    *
    Les cris d’un coq réveillèrent Tristan dans le nid de paille où il avait demandé à dormir. Les chambres étaient peu nombreuses à Gratot, le château ayant subi, dors de la peste noire, une invasion de routiers. À lui seul, Raymond réparait leurs méfaits, de sorte que les réfections qu’il avait entreprises allaient fort lentement. Il avait remis en état les charpentes de la grange et de l’écurie et remplacé leurs ardoises détruites par le glui, tout cela selon ses moyens pécuniaires, autrement dit de loin en loin quand il gagnait quelques écus en vendant sur les marchés des garnitures de cuir d’une confection solide, belles à voir : ceintures, baudriers, étrivières, selles de toute espèce. Il les avait montrées la veille avec fierté. Sans lui et Guillemette, Gratot eût connu l’invasion de toutes les vermines. Ces deux pauvres sans enfant consacraient leur temps, leurs forces et leur affection à cette demeure qui ne leur était rien.
    Paindorge reposait encore. Seul son poignet bandelé de blanc par l’épouse de Raymond dénonçait sa présence dans l’ombre où il s’était tapi. Il ronflait et parlait parfois dans son sommeil.
    « Je ne sais rien de lui », songea Tristan. « Sans doute est-il issu de quelque truandaille. L’important est qu’il soit dévoué, accort et fidèle. »
    Il y avait un seau sur le seuil de la grange. Il s’en saisit, l’emplit au puits, s’ablutionna et se sécha du mieux qu’il le pouvait avec une chemise prélevée dans sa maigre garde-robe. Il la mit à sécher auprès de celles de ses hôtes accrochées à une corde sur une largeur de mur. Sans les caquets des volailles éparpillées sur l’herbe, le silence eût été complet. Les oiseaux n’avaient pas entamé leurs piailleries ; aucun bruit ne filtrait des autres bâtiments.
    Il alla visiter les chevaux. Ils avaient leurs aises et une

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