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Le poursuivant d'amour

Le poursuivant d'amour

Titel: Le poursuivant d'amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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contempteur du chevalier Ogier d’Argouges.
    Il ne se ressemble pas. Il s’est désaguerri.
    De phrase en phrase, de conjecture en conjecture, Luciane, elle aussi, avait cru savoir comment se le représenter – un preux capable de réunir en lui la séduction de la beauté ainsi que tous les agréments de la force et de la foi. Pourvu qu’elle ne fût point marrie !
    – Comment le trouvez-vous, messire ? dit Paindorge.
    – Je ne le reconnais pas.
    L’énigme était résolue. L’homme dont Champartel tripotait familièrement l’épaule était son propre démenti. Il y avait comme une incompatibilité décisive entre l’oncle de Luciane et son père. Ils avaient trop vécu dans des mondes différents.
    – On dirait un vaincu, suggéra l’écuyer.
    – Voire… Peu à peu il m’inspire un étrange respect.
    . Car le regard de ces yeux qui, sans doute, s’étaient asséchés à force de verser des pleurs commençait à lui en imposer. Il y avait en ce naufragé du malheur et ce tisonnier de la foi quelque chose de plus qu’en lui-même, Tristan. Il se sentait sous l’influence de cette présence.
    – On sent, Robert, que c’est un ancien paladin…
    Et si la singularité d’Ogier d’Argouges tenait dans sa vêture, il voyait maintenant et enfin, lui, Castelreng, le prud’homme avant le manant, le chevalier adoubé de toutes pièces sous la défroque du laïc.
    – J’en connais une qui, hélas ! va devenir d’un coup moins idolâtre.
    – Lui a-t-il demandé selon vous, dit Paindorge pourquoi Thierry est venu le chercher ?
    En bref cela signifiait : « Sait-il que sa fille est toute proche ? »
    Plutôt que de répondre à son écuyer, Tristan se demanda si les deux hommes avaient conscience de sa présence et de celle de Paindorge, et même des chevaux, un peu plus loin, dont le nombre eût pu inciter Ogier d’Argouges à poser au moins une question.
    Il chercha des yeux Luciane et n’aperçut que son ombre sur les graviers d’argent du chemin.
    – Ah ! Je t’ai tant cherché, Ogier, mon compère.
    – Et moi !
    La voix, soudain, s’était exténuée comme au cout d’une vaine et stérile quête. Et celle de Thierry enjouée dans le reproche :
    – Il te fallait revenir à Gratot et m’y attendre !
    Et cet écho toujours grave et comme empoussiéré d’ennui :
    – J’y suis allé moult fois. Je vous ai attendus. Et puis un jour, j’ai perdu courage… Tu ne peux pas savoir… Foi et confiance, tout m’a manqué.
    – Toi !
    – Hélas !… Grâce à frère Peynel, le sempecte de Hambye mort il y a moult années, j’ai trouvé en ces murs un semblant de repos. J’ai refusé la robe et la tonsure. J’en étais indigne : je m’étais souvent répandu en blasphèmes quand le découragement me persécutait. Les frères m’ont chargé de m’occuper de l’ouche en compagnie des plus vieux d’entre eux et de devenir maçon parmi les plus jeunes. Je mange et dors entre-temps. Il m’advient, la nuit encore, de vous appeler : toi, Blandine, mon père, ma mère, mes amis et les bêtes que j’ai aimées. J’ai su que tu avais pris soin de ma fille. Elle est morte, pas vrai, puisque tu es venu ?
    – Elle t’attend tout près d’ici. Hein ?
    – Tu vas être bientôt le seigneur le plus heureux de la terre et le père le plus orgueilleux qui soit de son enfant.
    Quelque chose chanta puis fondit dans le regard de cet homme rompu que l’incrédulité puis la joie – et quelle joie ! – transfiguraient. Des notes limpides, fraîches, revigorantes. Pour éviter de voir ces pleurs, Thierry étreignit son beau-frère tandis que Tristan s’éloignait un peu et regardait, sur le chemin, une ombre qui s’enfonçait parmi celles des arbres.
    – Je te regracie, Thierry. Aucun mot ne pourrait te dire…
    C’était l’aumône d’un indigent à un homme riche d’avoir existé ; la bouffée d’air frais au terme d’un étouffement mortel ; la vie qui renaissait en force – en tempête – sans qu’un sourire en vînt magnifier la certitude. Honteux ou presque d’assister à ces retrouvailles, Tristan s’en détourna, le cœur douloureusement étreint par une compassion qu’il voulait dissimuler à Paindorge, tandis que Thierry admonestait son parent pour s’être exclu du monde inconsidérément.
    –  Plus je vous cherchais, plus je blasph émais, et plus je blasphémais, plus le Ciel rendait mes errances dangereuses et stériles. Un jour, je

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