Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le poursuivant d'amour

Le poursuivant d'amour

Titel: Le poursuivant d'amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
Vom Netzwerk:
d’Ogier… Mais je doute que, revenu en son château, il soit tenté d’en partir pour longtemps.
    – Regarde-les !
    Ils revenaient vers eux, enlacés comme des amoureux. Mais n’étaient-ils pas épris d’un amour neuf et sans égal ? Le bonheur effaçait les rides d’Ogier. Par tous ses sens, la confiance le reprenait. Par tous ses pores, la vie ardente qu’il avait connue et reniée le pénétrait en force. Il était comme un arbre à l’orée du printemps, quand la sève monte et s’épanouit en une vaste floraison, exalte les troncs et les branches, et promet au soleil d’abondantes récoltes. Jamais sans doute, il n’avait aussi complètement éprouvé le plaisir d’exister, senti jusqu’au tréfonds de son être la puissance d’espérance et d’amour qu’il lui avait fallu pour endurer quinze ans cette absence brusquement interrompue. Le monde se peuplait soudain différemment. Il n’avait plus affaire à des moines silencieux, tournés constamment vers le ciel et qui, à force de révérer Dieu, ne voyaient que la surface des choses et l’épiderme des gens, mais à des êtres de chair, simples et francs, encharbottés eux aussi par ces retrouvailles.
    – Je ne saurais vous dire…
    – Eh bien, ne nous dis rien : ton regard nous suffit.
    De l’index, Thierry éloigna une goutte accrochée aux cils de son beau-frère puis, tourné vers Tristan :
    – C’est à lui que tu dois ce bonheur nonpareil. Ta fille était captive chez Jeanne de Kent.
    – Je l’ai rencontrée aux joutes d’Ashby… C’est loin !
    – C’est parce qu’elle avait grand respect pour vous, Père, que cette captivité me fut supportable. Cependant, plus je grandissais, plus j’avais envie de revenir en Normandie. Elle me disait : «  Quand nous repasserons la mer, tu seras libre de revenir chez ton père. » Promesse fallacieuse : elle tenait à moi. Elle parlait de se rendre à Bordeaux. Comment aurais-je pu, d’Aquitaine, revenir à Gratot ? Elle me parlait aussi d’une vôtre cousine Tancrède. Or, je ne l’ai jamais vue. Et si elle fut conviée à quelque réception où j’étais, elle ne nous a pas présentées.
    – Dommage. Elle aurait pu te venir en aide.
    – Alors, Tristan est apparu au cours d’une action contre le prince de Galles au manoir de Cobham. Il m’a délivrée.
    – Le diable emporte Cobham ! J’ai failli périr de sa main à Sangatte.
    – Il est mat (526) .
    – Que l’enfer le dévore !
    Thierry souriait. Tristan se sentit observé, jugé. De quelle façon ?
    – Votre fille, dit-il, est bien de votre estoch. Nous étions onze à Cobham pour le rapt du prince. Ensuite, d’une échauffourée, il ne subsista que Paindorge et moi. C’est alors que notre vie fut en péril et que Luciane nous secourut. Nous l’avons emmenée.
    – Je te raconterai, père, dit la pucelle.
    Ils se turent tous, sans doute afin de mieux descendre en soi et bénir leur Créateur de leur accorder le privilège de savourer cette revanche obtenue sur l’adversité, la fatalité, les ténébreux inconvénients d’une guerre d’ailleurs inachevée, puisque fragmentée en centaines de combats d’embuscades. Toutes les pensées inquiètes, impatientes, douloureuses qui avaient fermenté dans leur cerveau s’étaient assoupies. Au plaisir infini dont ils s’étaient repus succéda la froideur des décisions nécessaires :
    – Peux-tu partir selon ton désir ?
    – Ce fut, Thierry, la clause essentielle de mon entrée…
    – Alors, on t’emmène !
    Ogier tourna vers son beau-frère son visage ridé, couvert de sueur et de poussière. Il fallait rompre et au moment de cette rupture, il ne savait comment procéder. Il fallait trancher les amarres. Toutes. Il en souffrait.
    – Il me sera malaisé de dire adieu à cet asile et à ces hommes de cœur. Ils m’ont accueilli bonnement et bellement quand frère Peynel le leur demanda…
    Il se tourna vers les bâtiments conventuels puis ébaucha un geste comme s’il les voulait bénir. « Mes frères », balbutia-t-il avec vergogne ou résipiscence.
    – Pour eux, j’étais un tout : frère lai, jardinier, tourier, pitancier, charpentier… Plusieurs m’ont proposé de recevoir les ordres sacrés. J’ai refusé.
    Luciane acquiesça. Thierry s’éloigna avec Paindorge et lui dit quelques mots à voix basse. « Moi ? » parut demander l’écuyer, une main sur le cœur.
    Se payant d’audace, Tristan saisit au-dessus

Weitere Kostenlose Bücher