Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le poursuivant d'amour

Le poursuivant d'amour

Titel: Le poursuivant d'amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
Vom Netzwerk:
père À cette époque, son expérience restreinte des femmes fortifiait son imagination. Maintenant, il savait, en abandonnant Luciane, les joies et les vertiges auxquels il devait renoncer.
    Elle était à peine vêtue. Sa robe – probablement à Guillemette – était trop large. Sans manches. Il se délectait de cette chair pâle, duvetée d’or fin. Il devinait la pointe des seins. Il pouvait retrousser la tiretaine safran et jouir d’autres contours, de tiédeurs plus secrètes. Il ne l’osa lorsqu’il eut vu quelque chose bouger sur le pont-levis.
    – Je vous attendrai, Tristan. Je vous attendrai toute la vie.
    Il passa une main dans l’encolure. Le craquement de l’étoffe déchirée le rendit à la réalité. Il se délia d’une étreinte serrée. Jamais il n’avait vu Luciane aussi éprise, aussi prête à la volupté, mais au-dedans de ses ténèbres il percevait la présence de l’être qu’il ne pouvait trahir encore.
    – Je vais partir maintenant.
    – Maintenant ?
    – Nous pourrions commettre un acte, des actes que votre père nous reprocherait…
    – Et si j’y consentais tout de même.
    – Je ne veux pas qu’il m’ait en détestation.
    Il prit entre ses mains cette tête chérie dont le regard le fuyait pas et dont la bouche essayait de sourire.
    – Mon cœur est lourd, m’amie, de vous abandonner.
    – Cet aveu me conforte et me rassure.
    D’un geste rude, il saisit Luciane aux épaules et la baisa derechef aux lèvres, brièvement.
    – Venez… Ne parlons plus.
    À pas lents, il l’entraîna, soumise, vers le château.

III
     
     
     
    Précédant Paindorge consterné d’avoir dû quitter hâtivement Gratot, Tristan chevaucha droit au Levant. Ils s’accordèrent deux haltes ; l’une pour consommer une partie des victuailles offertes par Guillemette et boire à la bouteille de terre cuite emplie d’un vin piquant, l’autre pour achever la mangeaille et la boisson et laisser se reposer Malaquin, Tachebrun et le sommier.
    – Nous allons y passer la nuit, décida Tristan lorsqu’ils furent en vue de Saint-Lô. Demain, nous couvrirons de dix à douze lieues.
    – Bonne idée, messire, que d’hôteler (534) dans cette cité. Je me sens dépourvu du moindre courage.
    Quelques toises plus loin, à un carrefour, un chevaucheur leur déconseilla de passer par la ville et surtout de s’y arrêter :
    – Il paraît que les Navarrais s’apprêtent à y entrer !… C’est ce qu’on m’a dit… Je vous aurai avertis… Prenez donc le chemin d’où je viens.
    L’homme était jeune, imberbe, la tête coiffée d’un camail d’emprunt trop grand, à peine fourbi et qui tombait sur ses épaules comme une chevelure poivre et sel.
    – Passez par Caumont l’Eventé, mais contournez la cité… puis Thury-Harcourt…
    Nous suivrons ton conseil. Où vas-tu ainsi ?
    – À Pontorson… Message du roi pour Bertrand Guesclin ou quelqu’un de sa mesnie car on m’a dit qu’il estampait (535) en Normandie sans que je puisse savoir où !
    Et saluant de la main, le chevaucheur piqua des deux un cheval fourbu, ce qui mit Paindorge en rage :
    –  Ce petit goguelu va crever son roncin.
    –  Il n’a pas peur.
    Parce qu’il n’a ni cœur ni cervelle ! Un tonnelier de Thury-Harcourt ne leur proposa que le gîte – une grange au fourrage rare – et leur déconseilla de chevaucher vers Falaise, comme Tristan s’y était décidé :
    – Les Navarrais peuvent y être… De toute façon, on les dit partout. Un troppelet (536) de Goddons est passé par notre cité, mais sans s’y arrêter… On dit qu’ils ont fait alliance. Passez plutôt, messires, par Potigny, Sassy. Courcy, Tortisambert.
    Ils atteignirent Tortisambert à la vesprée du lendemain. Le brouillard de la nuit enténébrait les arbres, les toits, la trop faible muraille d’enceinte. Des rires et des cris éclataient au-delà.
    – Seigneur ! s’écria Paindorge. On dirait qu’il y a fête.
    – Français, Goddons, Navarrais ou écorcheurs ?
    – Approchons du postil (537) et nous le saurons bien.
    – Tirons nos épées.
    Personne à l’extérieur sauf un homme corseté de fer, coiffé du chapelet de Montauban et qui tenait d’une main son fauchard, de l’autre un tallevas 361 où l’on distinguait, sur fond d’azur, une hure d’argent.
    – Ho, vous !… Qui êtes-vous ? Anglais ou Navarrais ?
    – Pour qui nous prends-tu donc ?
    – Passez… Il est vrai que ces démons ne

Weitere Kostenlose Bücher