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Le poursuivant d'amour

Le poursuivant d'amour

Titel: Le poursuivant d'amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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son vis-à-vis. «  L’oun counoui lou mêstré à l’oubrajhé, è souvën lou cor âou visajhè 364 . » Et de vouloir exprimer sa pensée :
    – Ces femmes… Ces malheureuses…
    Guesclin rejeta des deux mains le mépris qu’il pressentait :
    – Je m’en suis mis deux de côté mais je crains de manquer de temps…
    Une donzelle passa. Le Breton l’arrêta, farfouilla sous sa robe sans que la servante osât protester. Tristan baissa la tête. Un homme rota, tout proche.
    – Ho ! Fille… Pour qui ces deux hanaps ?
    – Pour deux, là-bas, qui se disent vos capitaines.
    – Baille-moi ça et cours en chercher deux autres.
    La jouvencelle obéit promptement, fessée sur son passage et ne se regimbant plus.
    – Le grand régal ! dit Tristan. La belle assemblée !
    Guesclin flaira ses doigts puis vida d’un trait son hanap.
    – Bois !… C’est du vin… Moins bon que celui de Bretagne… Ne sois pas ébaubi. Nous avons exercé notre droit de mangeaille et occis toutes les bêtes à notre convenance… J’ai payé grassement… Si ! Si !… Ah ! Ce pays de Sapience. On y a tout pour être heureux et ces putains de Navarrais en profitent !… Bois donc !… Non ?
    Guesclin prit le hanap de Tristan et entonna debout, son pouce crocheté dans l’anse. Rouge, haletant, il reposa son séant sur le banc en même temps que le grand vase à boire.
    – Tu me connais ?… Je suis Bertrand Guesclin… Dis, tu me connais ?
    – De réputation… Vous semblez avoir moult liché !
    Les paupières clignantes, sans cils ou presque, semblaient émietter des lueurs. Les lobes congestionnés des oreilles étaient croûteux, poilus.
    – Je ne suis pas si saoul que tu crois… Ma valeur, mon courage, mes vertus sont en passe de devenir prover… proverbiaux. «  Solide comme Guesclin ! » « Hardi comme Guesclin ! » Voilà ce qu’on commence à dire… et à répéter !
    – Mais assurément pas magnanime… L’on m’a dit du bien et du mal de toi. Violent et violeur, sans pitié…
    – Qui ?… Pas le roi, pas monseigneur Charles. Ils m’aiment bien.
    Tristan se sentit empoigné par le devant de son pourpoint. L’haleine nidoreuse du Breton le contraignit à je détourner.
    – Qui ? Des gens qui t’ont vu à Chauvigny.
    – Je n’y suis allé qu’une seule fois. En 47… J’y ai fait merveille.
    « Menteur ! » songea Tristan. Mieux valait, cependant se montrer circonspect :
    – Je ne crois que ce que je vois.
    Guesclin se balançait sur son banc comme s’il était en selle. Dans les souillures du plastron de cuirasse, Tristan aperçut, certainement gravée au couteau, une aigle à deux têtes. Il trouva le Breton terrible, ambitieux, plus encore assoté de lui-même qu’une donzelle à la poussée de ses seins.
    – Mon écuyer m’attend, dit-il en se levant.
    – Il ne craint rien : on m’a vu vous conjouir 365 .
    Il y eut un cri de femme. Il fut étouffé.
    – Une encore qui se regimbe. Par la Vierge de Loudéac, c’est pourtant pas difficile d’écarter ses nasches 366 pour jouir un tantinet !
    Le doute n’était plus permis. Tristan frissonna. Il réintégrait la géhenne dont il s’était cru à jamais libéré. Dans le tumulte et la promiscuité recréés pleinement par un hasard exécrable, il était incapable de frauder avec sa mémoire et de décider, contre toute évidence, qu’il se trouvait parmi d’authentiques guerriers. La crainte superstitieuse d’être encore l’objet d’une injustice humaine ou divine le tourmentait. Il éprouvait les symptômes du mal de Brignais  : une anxiété rongeuse, insatiable, des sueurs et tremblements. Les clignotements des flambeaux empourpraient des faces dont la laideur eût fait merveille à certains tympans d’églises. Des femmes passaient toujours, échevelées, dépoitraillées, penaudes et vaillantes à la fois dans leur frayeur des pires empoignades. Leurs visages durs semblaient ceux des spectres de toutes celles que les wandres 367 des pires les armées du monde avaient inexorablement souillées avant que de les occire.
    – À quoi tu penses ?
    – Il doit être malaisé de commander à de pareils malandrins.
    – Plus l’homme est vil, plus il obéit… quand on parle son langage.
    Un poignard scintilla dans la main du Breton qui se mit à se curer les ongles. Sous l’acuité d’un flux d’impressions mauvaises, Tristan voulut se lever. Une poigne lourde s’appesantit sur

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