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Le poursuivant d'amour

Le poursuivant d'amour

Titel: Le poursuivant d'amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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vont jamais par deux !… Soyez les bienvenus à la fête à Guesclin !
    Ils durent se baisser pour franchir une voûte épaisse. Quand ils se relevèrent, Tristan sentit rouler dans son dos quelques gouttes glacées.
    – Merdaille !… La plus laide des multitudes…
    Sous les feux sautillants d’innombrables flambeaux, quelques centaines d’hommes circulaient ou s’entassaient par groupes va cillants dans l’unique rue du village. Il n’y avait aucune différence entre ces imbriaques 362 et les routiers de Brignais. C’était la pire et la plus bruyante des piétailles « et par Dieu », songea Tristan, « il est bon pour Robert et pour moi qu’elle soit française ». D’un regard, il entrevit des faces velues, sales au-dehors et à coup sûr vermineuses au-dedans, des brigantines et haubergeons fangeux, des armes çà et là, nues, étincelantes. Il cherchait un refuge et trouvait un cloaque. Des chants, des hurlements, des cliquettes, des heurts de portes et des bris de vaisselle composaient cet hymne à la victoire. Car de toute évidence, on en célébrait une. Parfois, des bannières s’élevaient au-dessus des têtes. On voyait alors l’hermine de Bretagne et les Lis de France acoquinés à des linges maculés de sang et de sanies.
    – Ben ça !… dit simplement Paindorge. Déjà éreinté par le long chemin, Tristan, étourdi de tumulte, se sentit faiblir davantage. L’impression maléficieuse d’un froid intérieur le gagna, lui noua les visières et plomba ses membres. Pour se donner du cœur, il se mit à siffler. L’héroïsme ne pouvait être chez lui un état d’habitude. Mais l’était-il chez les chevaliers qu’il avait côtoyés ?
    Des hommes passaient, certains enturbannés de linges vermillonnés, d’autres un bras ou le torse enveloppé d’étoffes de prix, brunes de crasse et lacérées. Un ivrogne se tordait sur le pavé, un autre déféquait au pied d’un arbre.
    – C’était ainsi à Brignais. Je ne vois aucune femme. Il devait pourtant y en avoir céans… et qui n’étaient pas des gaupes. J’ai peur pour elles. Le visage pierreux, suant, les mâchoires serrées, il avançait le cœur étreint, les poumons écrasés par d’épaisses tenailles. Il ne remarquait rien de rassurant dans cette confusion de corps, de membres, de cris : tout ce charivari empestait la male mort. Parfois un hurlement traversait ses tympans, ses entrailles, sans qu’il parvînt à deviner ce qu’il exprimait : joie, ébahissement ou douleur. Il ne pouvait se garantir contre cette abominable puanteur de corps et de fumées oppressantes, comme sales, elles aussi. Il se forçait toujours à siffloter, à mener sagement Malaquin, à dominer sa crainte et son envie de crier : « Place ! Place ! » et tout en s’enfonçant dans cette tourbe vociférante, il ne discernait aucun mot susceptible de l’informer sur une quelconque origine : « S’ils nous prennent pour des ennemis, nous perdrons la vie avant même de nous être annoncés. » Le témoin, en lui, ne cessait de se prémunir contre tout danger ; le chevalier sentait son humeur s’assombrir. Il conservait sa main serrée sur sa Floberge.
    – Place !… Place à un serviteur du roi ! hurla-t-il à bout de patience.
    On s’écarta. De part et d’autre de la rue, par leurs baies largement ouvertes, les maisons vomissaient des rumeurs. Aux tambourinements des pas s’entr’accolaient des heurts, des éructations, des vociférations et soudain les cris d’effroi d’une femme qu’on allait forcer à grand courage : dix au moins pour elle seule. Tout fut anéanti par le meuglement d’un cor et la roulade d’une barrique sur le pavé.
    – Les Goddons ne feraient pas mieux dans le pire. Ni des routiers. Si c’est cela, l’ost de Guesclin, il est digne de la grande truanderie.
    – J’en ai de l’écœurement.
    – On dit que les hommes font les lois et les femmes les mœurs. Je n’y ai jamais cru et ce soir moins encore.
    Un malandrin s’approcha. Paindorge le menaça de son épée :
    – Holà ! Rustique… Ne touche pas à la sommade de ce cheval !… Gare à ta main !
    Il y eut un gros rire. Sur le seuil de l’église, petite, chétive, un des godailleurs les observait. De l’index, comme un père l’eût fait à son fils, il menaça Paindorge :
    – Par Notre-Dame, je voudrais bien voir ça. Tranche-lui une main, je te coupe les coulles !
    C’était un homme à face ronde,

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