Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le poursuivant d'amour

Le poursuivant d'amour

Titel: Le poursuivant d'amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
Vom Netzwerk:
son épaule :
    – As-tu peur ?… Peur de moi ?
    – Sortons et je m’en vais te prouver le contraire.
    Une lueur flamba entre les paupières mi-closes.
    – Ta réponse me plaît… Au vrai, je l’attendais.
    Brignais recommençait avec d’autres figures, d’autres desseins, d’autres méfaits. Ces hommes étaient les frères et les cousins des linfars 368 qui avaient anéanti l’armée royale. Guesclin valait un Thillebort, un Petit-Meschin, un Espiote, un Bertuchin ; d’autres encore, sans oublier, bien sûr, Naudon de Bagerant.
    Un nouveau cri strident ; un cri de jouvencelle. Impossible de s’opposer à cela. Impossible de sévir. Se taire. Guesclin enfonçait sa lame dans son fourreau.
    Il souriait autant qu’il pût sourire quand ses lèvres se relevaient.
    –  Sais-tu ce que je commémore ?
    – Comment le saurais-je ? Il y a deux jours, j’étais à trente lieues de Tortisambert. Le Breton eut un mouvement de lassitude : ses épaules penchèrent malgré la résistance des fers qui les enfermaient. Il pensait, sans doute : « Je dois tout apprendre à ce bâtard. » Il toussota :
    – Nous célébrons la prise de l’abbaye de Cormeilles, à Livarot.
    Clappant parfois de la langue, il savoura son discours :
    – Les Anglais et les Navarrais occupaient ce saint lieu depuis que le roi a rappelé Moreau de Fiennes à Paris (538) . Je les ai boutés hors… Pas tous, mais ils vont se soumettre. J’ai sous la main des otages, dont ce gros Navarrais hideux que tu connais peut-être : Sauvage de Pommereul.
    En fait de hideur et de sauvagerie, il s’exprimait en orfèvre.
    Le Breton jeta un regard circulaire et sourit de ce qu’il voyait. La débauche le rassurait, semblait-il. Il aimait les hommes sans façons ni scrupules. À son image.
    – Es-tu pressé de regagner Paris ? Hormis le roi et son fils, qui t’y attend ?… Personne à ce que je vois !… Trouves-tu que cette cité vaut la peine qu’on y demeure ?
    – Bah ! fit Tristan pour ne pas se compromettre.
    Il regardait le cou de son vis-à-vis et le trouvait aussi épais que celui d’un sanglier, soies comprises. Proche de la pomme d’Adam, un furoncle mûrissait. « Il a le sang tourné. » Un nouveau dicton de la langue d’oc lui revint en mémoire : «  Fâi dë bën à Bërtran, të lou rendra ën cagan. (539)  » Puis il s’enquit :
    – Que vas-tu me proposer ?
    L’énorme hure s’éclaira. Tristan vit la grosse gorge du Breton qui s’élevait, convulsivement, puis s’abaissait sur un soupir interminable, fortement imprégné de vinasse.
    – L’Anglais Jean Jouel a abandonné Livarot avant la fin du siège – sans doute par un souterrain. Ce Goddon, ce fils de pute, vient d’aller arser et exiller (540) tout le pays à l’entour de Lisieux. Ses malandrins y violent et occisent, et ça, compère, jusqu’à Pont-l’Evêque… Nous partons dès demain à sa rencontre. Viens-tu ?… J’aimerais… Tu pourras ainsi dire au roi que tu as vu Guesclin et louer sa bachelerie (541) .
    Refuser, c’était passer pour un couard. L’on disait Guesclin dans la manche dextre du roi et dans la senestre du régent, certains même dans sa brayette.
    – Je ne vois pas pourquoi je n’accepterais pas ?
    Il lui sembla que les yeux du Breton se mouillaient. Il se leva :
    – Orriz ! cria-t-il.
    Un homme tout aussi trapu et contrefait que son maître accourut. Vêtu de mailles, il portait au côté une épée presque aussi large que sa main à en juger par son fourreau de bois.
    – Qu’y a-t-il pour toi, Bertrand ?
    – Sors avec ce chevalier. Mène-le avec son écuyer et leurs chevaux là où nous gîtons… Trouve des gars pour s’occuper de ces roncins et mettre leur fardage en lieu sûr.
    L’homme s’inclina juste ce qu’il fallait sans trop considérer l’inconnu qu’il prenait en charge. Il devait être infatigable au combat. Féroce. Avec son nez aplati, ses cheveux crépus, sa peau mate, un peu châtaine, on eût dit un nègre blanc. À ses poignets brillaient une douzaine de bracelets d’or, d’argent, de laiton et d’émail champlevé. L’ostentation du butin compensait, croyait-il, une rusticité guère différente de celle de son parangon.
    – Ce sera fait, Bertrand, dit-il. Ho ! Vous… Venez.
    Point de messire. Nullement affecté par cet évident mépris, Tristan sortit avec l’écuyer breton.
    – Paindorge, suit cet homme avec moi. Aie confiance… mais regarde

Weitere Kostenlose Bücher