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Le poursuivant d'amour

Le poursuivant d'amour

Titel: Le poursuivant d'amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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affranchie de ses assiduités par un mariage qu’il désapprouvait parce qu’il le jugeait absurde que parce qu’il mettait un terme à ses ambitions. Elle considéra les couverts avant que de décider avec autant d’humeur que d’impatience :
    – Laisse-nous, Ydoine… Toi, Tristan, va chercher près du lit ces chaises à tenailles.
    Il ne les avait pas vues, dissimulées sous un amas de vêtements. Tandis qu’il les dépliait, Mathilde disparut derrière une des deux petites portes et il poussa un soupir de satisfaction. Sa demi-solitude le revigorait, dissolvant en son esprit toute espèce d’amerture.
    Mathilde réapparut, s’assit et versa dans une écuelle deux grandes louchées de soupe. Le pain trempé, les fèves et les lardons eussent été excellents sans le poivre dont Ydoine avait mésusé.
    – Eh bien, s’étonna Tristan, sa cuiller vide, immobile. Vous n’en prenez pas ?
    – À soupe grasse femme épaisse… Mais je vais en boire une gorgée pour te faire plaisir !
    Elle se méprenait. Il lui importait peu qu’elle mangeât ou non. Il y aurait toujours quelque malentendu entre eux.
    Elle avala sa cuillerée, toussota et ne fut apparemment à l’aise qu’après avoir absorbé une rasade d’un vin si doux et si épais qu’il en paraissait gluant. Alors, tout en mêlant ses doigts les uns aux autres, elle ne dit mot, regardant sans arrêt le lit avec une sorte de ferveur obstinée.
    Tristan n’osait se détourner vers ce meuble. L’eût-il fait qu’il eût suscité une allusion à la fermeté du matelas, l’épaisseur des courtines ou la légèreté de la courtepointe. Des corneilles craillèrent.
    – Elles sont en retard pour se coucher, dit Mathilde. Ah ! C’est toi…
    Ydoine franchissait le seuil. Elle desservit. Panazol se montra. Il portait, sur un long coussinet, une lèchefrite dans laquelle un cuissot doré à point pétillait sur un lit de lentilles. Le rustre avait toujours, cloué aux commissures de ses lèvres, ce sourire dont la bienveillance affectée faisait enrager Mathilde. Ydoine l’invita à se retirer avant que de le suivre dans sa retraite, et tandis que son épouse, d’un grand coup de couteau, se coupait une part de viande et mordait dedans avec une sorte de fureur, Tristan ne put que penser à l’espèce de parenté qui faisait de cette affamée une sœur ou une cousine de Perrette Darnichot. L’une et l’autre mêlaient les mêmes grâces cauteleuses aux instigations plébéiennes ; elles se croyaient toutes deux des attraits irrésistibles. Il se pouvait qu’elles en fussent pétries mais, à l’inverse de certains qui eussent voulu s’en repaître, il y était insensible.
    Mathilde toussota ; ses yeux cillèrent. Étouffant un soupir sous sa paume, elle dit d’une voix menue, faussement dolente :
    – Tristan, veux-tu pousser le verrou ?
    Ydoine et Panazol béants et indécis, durent reculer promptement. L’huis fut clos. Tandis que la targette glissait dans ses verterelles, ils ricanèrent.
    – Ils vont demeurer là, l’oreille collée au bois… Je les connais… Nous ne pouvons rien contre cette curiosité, pas vrai ?… Il ne nous reste plus qu’à nous coucher.
    – Bien sûr, dit Tristan.
    Il s’emplit un gobelet de vin. Tandis qu’il le buvait à petites gorgées, il entendit des froissements d’étoffes et vit, se retournant, que Mathilde avait tiré les courtines du lit pour se désha biller sous leur protection. Ce faux-fuyant pudique le mit de bonne humeur. Elle l’avait accablé de propos audacieux et, de plus, il l’avait vue nue, longtemps, lors du festin que les routiers de Brignais s’étaient réjouis d’apprêter pour célébrer ses « noces » avec Oriabel. Il eut envie de lui recommander : « Ne foulez point trop la courtepointe : les plumes ne s’écrasent pas comme les raisins. » D’autres qu’elle, sans doute, eussent ri de cette gaille (420) , à commencer, précisément, par Oriabel. Mathilde s’en fut sans doute offensée.
    Il se dévêtit, ravivant ainsi les feux de ses blessures. Allait-elle lui proposer de défaire les bandes et charpies qui le gênaient et lui donner quelques soins ? Il demanda – et sa voix tremblait un peu – s’il devait moucher les chandelles. Menue et languissante, la réponse traversa les rideaux :
    – Comme il te plaira.
    Il se plut, de souffle en souffle, à susciter les ténèbres. Et comme il revenait précautionneusement vers le lit, le nez

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