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Le poursuivant d'amour

Le poursuivant d'amour

Titel: Le poursuivant d'amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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force d’être dispensés et dispersés finissaient par gercer ses lèvres tant sa dame en paraissait de plus en plus friande.
    – Je ne suis en ces murs qu’un serviteur que tu as élevé au-dessus des autres.
    – Plains-toi !… Ils voudraient tous être à ta place.
    Il la leur eût cédée très volontiers. Des simulacres moult fois recommencés le liaient à Mathilde, des semblances dont elle renouvelait les rites et savait retarder l’issue par des recettes dilatoires qu’il commençait à connaître dans leur entièreté. Il ne la « foutait » point, songea-t-il, pour employer un verbe dont la crudité ressortissait au langage de son épouse : il remboursait sa dette du mieux qu’il le pouvait et selon les convenances imposées par elle. Il commençait à abhorrer sa créancière et leur pacte léonin.
    – Tu t’es montré meilleur qu’à l’aube de ce jour d’hui. Je m’en réjouis et t’en congratule… Tu vois bien qu’une entente est possible entre nous.
    Mieux valait qu’elle eût parlé d’entente ; il avait craint qu’elle ne parlât d’amour.
    Il ferma les yeux. « Je ne sais rien d’elle hormis ce dont elle est capable. » Il ne pouvait se reprocher, comme certains maris, d’avoir composé d’elle un portrait trop achevé avant que de la connaître de l’étrave à la cornière (425) . Dès leur captivité commune, à Brignais, il avait décelé sa lubricité, son égoïsme et sa présomption dans son aspect, ses regards, sa démarche. Il l’avait évitée. Tiercelet, méfiant lui aussi, s’était employé à les éloigner l’un de l’autre.
    « Et pourtant, désormais, elle me tient dans ses rets. »
    –  Oui, mon époux, tu t’es montré meilleur que je ne l’espérais. Tu t’abonnis comme un bon vin.
    Tout en considérant les flammes des chandelles qu’Ydoine renouvelait chaque midi avant d’apporter la pitance, Tristan fut tenté de s’ébaudir de ce vain compliment et de tout ce que Mathilde pouvait en conjecturer. S’ils s’adaptaient l’un à l’autre jusqu’à former cet ensemble aussi complet et cohérent qu’un tenon enfoncé dans sa mortaise, rien de cette accointance-là ne subsistait au-delà des courtines closes ou décloses. Autant eussent-ils pu devenir des amants réunis çà et là pour se prêter leurs chairs et conjuguer leurs voluptés, autant leurs âges et leurs caractères les empêchaient de se comporter en époux. Il se sentait condamné à d’incessants accommodements et à des bons vouloirs qui, plutôt que d’imposer sa masculinité à une malade, témoigneraient du pire des servages. « Une espèce d’homme-putain », songea-t-il une fois de plus. Il ne pouvait consentir à cet avilissement.
    – Je suis amourée de toi… vraiment, dit Mathilde.
    Avant même la fin de ses enfances, il avait rêvé d’amours pures et partagées. Ensuite, du fait de sa méconnaissance des femmes et des scènes inspirées par une imagination d’autant plus féconde qu’il ne disposait, pour la déployer, d’aucune expérience, il avait senti se développer dans son esprit et dans sa chair l’envie d’embrassements multiples et divins. Ils différaient de ceux dont se pâmait Mathilde qui, confondant toujours les sentiments et les actes, prenait pour des hommages rendus à sa science, à sa complaisance et à sa vénusté, les grains d’un chapelet d’irrévérences hypocrites. Quel soupir d’aise lorsque, comme maintenant, il s’extrayait de ses bras et de ses jambes ! Et comme il regrettait certaines effronteries dont Oriabel se délectait ! Jamais il ne ressuscitait si aisément et si parfaitement la jouvencelle que dans ce lit qu’il abominait. Ils étaient vraiment faits l’un pour l’autre, se complétaient, coïncidaient. Leurs ferveurs confluaient ; tandis que le mariage qui faisait de Mathilde, au plein sens du mot, sa maîtresse, affirmait de jour en jour de cruelles divergences. Hors des accouplements, ils n’étaient point un couple. À l’inverse de Mathilde encline à l’engouement et à la translation de sa lubricité sur un homme et même, à ce qu’il supposait, sur tout un cortège de mâles disponibles ou non, il savait avec certitude qu’Oriabel était tout à la fois la reine et la féale d’un seul : lui-même. Jamais elle ne romprait leurs attaches. Il la retrouverait ainsi que Tiercelet. La présence du brèche-dent auprès d’elle ne cessait de la réconforter. Jamais Mathilde

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