Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le poursuivant d'amour

Le poursuivant d'amour

Titel: Le poursuivant d'amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
Vom Netzwerk:
n’exclurait de son cœur la présence d’Oriabel. Jamais elle ne l’extirperait de sa mémoire. Car il existait quelque chose de plus affligeant encore que la fin d’un amour : la perte de son souvenir.

IV
     
     
     
    Le lendemain matin, la baronne de Montaigny quitta le lit la première. Tristan l’entendit vaquer aux soins de sa toilette et trouva qu’elle y apportait plus d’attention que d’ordinaire.
    « Quel miracle de frisqueté (426) prépare-t-elle ? J’ouvre les yeux et j’ai déjà pitié de nous… »
    Il n’osa se lever, ignorant cette fois quels seraient les premiers mots, les premiers gestes de Mathilde. La nuit durant, il l’avait traitée en ribaude. Il espérait des assez, elle l’avait abreuvé d’encore. En croyant la rassasier pour longtemps, il ne l’avait qu’affamée. Il replia ses bras sur sa poitrine. C’était bon de n’avoir rien à toucher.
    Autant il condamnait maintenant sa conduite, autant son épouse s’en félicitait puisqu’elle chantonnait un lai d’amour qu’il avait entendu à Paris. Il préférait cet air allègre aux halètements effrénés d’une ardeur satisfaite. Si elle lui tendait les bras, il ne pourrait qu’ouvrir les siens. Qu’importait que son cœur fût absent de cet embrassement : l’apparente sincérité d’un geste ordinaire, dépourvu tout à la fois d’intentions et de conséquences luxurieuses, justifiait cette duplicité .
    « Nous sommes le vendredi 15 avril. Le temps coule plus pour moi comme naguère. Si je continu cette vie, je vais dépérir et m’aigrir le sang… À quoi pensent les hommes, en bas ? Quelles idées Panazol remue-t-il dans son crâne ? Il doit être bien aise, d’une réclusion qui lui abandonne le gouvernement Montaigny. »
    Mathilde tira complètement une courtine. Elle apparut vêtue, les cheveux tirés, assemblés en queue de cheval sur la nuque. Elle avait passé une robe d’écarlate vermeille, fendue assez haut sur les côtés, comme nobles dames et les femmes du commun en portaient en Langue d’Oc. Qui, ne la connaissant pas, l’eût ainsi acesmée 57 n’aurait pu imaginer sa véritable nature. Elle souriait d’un sourire de pucelle. Les cernures bistrées qui soulignaient ses prunelles jusqu’aux pommettes, révélaient une lassitude peut-être inguérissable. Elle se pencha si près qu’il songea : « Quels yeux ! Tout en n’osant clore ses paupières.
    « Une mer, le soir, à marée haute… Une mer d’encre. »
    Rien, en premier lieu, n’y paraissait bouger, miroitait, superbe et cristalline mais, prenant son temps pour la mieux observer, il y découvrit des vagues crêtes acérées. Ce regard attentif et cupide ne le sondait point : il le transperçait. Il ne l’émouvait point : il l’effrayait.
    « Je suis sa chose. Même ainsi, en me contemplant avec l’air d’une mère penchée sur son fils malade, elle me fait subir sa domination. »
    –  Lève-toi, Tristan… Prépare-toi. Tu ne peux me toucher de quelques jours. Nous allons gambier 58 dans la forêt voisine… Tu veux de l’air et des feuillages ? Je vais en mettre à ta disposition.
    Elle allait le récompenser comme jadis sa mère lorsqu’il s’était montré serviable ou obéissant, mais les services et l’obéissance étaient autrement différents !
    – Tu me parais heureux de quitter cette chambre… J’avais espéré, comme une récompense, une grande foison de mots doux.
    – Les tiens sont trop poivrés pour que tu apprécies les miens.
    – Mon langage te déplaît ? C’est la seule chose que je puisse relever avec cette robe.
    Elle cillait cependant qu’étincelait, au fond de ses prunelles, cette malignité ardente et comme condensée, qu’il ne lui connaissait que trop. Sa voix à force de douceur, en était devenue visqueuse. Il vit son genou gonfler son vêtement ; elle allait sûrement l’avancer sur le lit, premier mouvement de l’abordage, mais elle y renonça et, s’éloignant de la couche, toupina sur elle-même.
    – Je te conviens ainsi ? Ne suis-je pas bonne à prendre ?
    Elle s’était apprêtée avec tant de soin qu’on eût dit qu’elle avait été conviée à une cérémonie qui l’avait agitée durant des semaines. Les fards dont elle avait imprégné son front, ses joues, ses lèvres, conféraient à sa physionomie, au lieu de l’éclat recherché, une brillance qui, à elle seule, dénonçait les artifices employés pour amoindrir son âge et

Weitere Kostenlose Bücher