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Le Pré-aux-Clercs

Titel: Le Pré-aux-Clercs Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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vit la place prise, il reconnut Ferrière, et remarquant la mine morose et l’air absorbé du jeune homme, il allait s’écarter discrètement lorsque celui-ci, levant les yeux, l’aperçut à son tour, et, tout joyeux, s’écria :
    « Monsieur de Beaurevers ! Charbieu, c’est le Ciel qui vous envoie ! Chevalier, rendez-moi le service de vous asseoir là, en face de moi, et de me tenir compagnie. Je suis dans des humeurs noires, et je sens que si je reste plus longtemps seul, je vais devenir enragé ! »
    Le premier mouvement de Beaurevers fut de refuser. Mais, chose curieuse, lui aussi, en reconnaissant Ferrière, s’était dit :
    « Pardieu, c’est le diable qui le met sur mon chemin. »
    En sorte qu’il répondit :
    « C’est que je ne suis pas seul… comme vous voyez.
    – Qu’à cela ne tienne », dit vivement Ferrière.
    Et avec cette politesse de grand seigneur qui attirait irrésistiblement la sympathie :
    « Ces messieurs et moi avons déjà fait connaissance dans des circonstances que je ne saurais oublier, attendu que je leur suis redevable de la vie, ainsi qu’à vous. Une connaissance ébauchée dans de telles conditions ne saurait mieux se continuer qu’à table, le verre en main. »
    On rapprocha deux tables. Ils prirent place. Et ce fut la grande ripaille.
    Le premier soin de Beaurevers avait été d’apprendre à Ferrière qu’il s’était présenté deux fois à son hôtel et l’avait attendu assez longtemps en flânant dans son jardin. Ferrière, en rougissant un peu, s’était excusé en prétextant qu’une affaire importante l’avait tenu hors de chez lui plus longtemps qu’il n’eût voulu.
    Beaurevers se garda bien d’insister. Il lui suffisait d’avoir avisé lui-même le jeune homme de la liberté qu’il avait prise. Il écartait ainsi les soupçons qu’aurait pu faire naître sa présence insolite dans le jardin, en l’absence du maître de la maison.
    L’animation joyeuse que Ferrière avait montrée à la vue de Beaurevers était brusquement tombée comme un feu de paille. Malgré les efforts énergiques qu’il faisait pour soutenir la conversation, sa préoccupation perçait malgré lui. Si bien que Beaurevers, qui l’observait avec une attention soutenue, après avoir fait de vains efforts pour le dérider, finit par lui dire :
    « Ça ! Vicomte, quelle diable de tête faites-vous là ?… Seriez-vous malade ?
    – Non, sursauta Ferrière. Pourquoi me dites-vous cela ?
    – C’est que vous faites une figure longue d’une aune. Et ce qui est plus grave, c’est à peine si vous touchez aux plats… et vous oubliez de vider votre verre. Mais je vois ce que c’est, si vous n’êtes pas malade – car vous n’êtes pas malade, n’est-ce pas ? – c’est donc que vous êtes amoureux… Ne rougissez pas ainsi. Mort diable ! c’est de votre âge, et je sais ce que c’est. Moi aussi j’aime… je suis séparé de celle qui est souveraine maîtresse de mon cœur et que j’aimerai jusqu’à mon dernier souffle… pourtant vous ne me voyez pas pousser des soupirs à fendre les pierres, vous ne me voyez pas faire la fine bouche devant cet excellent pâté, ni renâcler devant ce petit vin d’Argenteuil qui râpe si agréablement la langue. »
    Dans le désarroi où il était plongé, Ferrière éprouvait l’impérieux besoin de se soulager par des confidences. Intentionnellement, Beaurevers lui tendait la perche. Il la saisit avidement et avec un de ces soupirs que le chevalier avait estimés capables de fendre des pierres :
    « C’est que vous êtes aimé, vous, fit-il. Tandis que moi !…
    – Voyons, confiez-vous à moi, je ne suis pas de mauvais conseil, à ce qu’on dit du moins. Et d’abord, qui vous fait croire que vous n’êtes pas aimé ? Vous êtes-vous déclaré ?
    – Ouvertement, non !…
    – Alors, comment pouvez-vous supposer ?…
    – C’est que… à la première allusion que j’ai faite… j’ai été arrêté par le mot… mariage. »
    Le malheureux Ferrière était extrêmement embarrassé. D’autant plus embarrassé qu’il se rendait compte de l’effet produit par cet aveu. En effet, le regard clair de Beaurevers se faisait fixe, profondément scrutateur, le sourire bienveillant disparaissait et ce fut avec une froideur marquée qu’il répondit :
    « On vous a parlé mariage !… C’est que celle à qui vous vous êtes adressé est une honnête femme. On dirait, tudiable ! Que

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