Le Pré-aux-Clercs
s’accomplissait en même temps que Beaurevers fermait la porte. Car tout ceci se passait simultanément, se déroulait avec une rapidité fantastique.
Et, naturellement, Guillaume Pentecôte, qui s’était dressé entre Beaurevers et François, face à ce dernier, ne pouvait pas voir ce que faisait le chevalier.
Le poignard s’abattit sur François avec la rapidité de l’éclair.
Mais, si rapide qu’il fût, François avait vu venir le coup. Il l’évita en se jetant de côté. Et lorsque Guillaume Pentecôte voulut redoubler, son poignard rencontra la lame d’une longue et forte rapière dont la pointe vint le piquer à la gorge.
Il recula en lançant un énorme juron. En même temps, il dégainait, lui aussi, son immense colichemarde.
Mais son mouvement de recul l’avait rapproché de Beaurevers, dont il ne s’occupait toujours pas. Cramponné des deux mains à la poignée du loquet, Beaurevers, la tête tournée, observait ce qui se passait derrière lui, prêt à intervenir au bon moment. Ce moment lui parut venu, Ses yeux rencontrèrent ceux de François, et ses yeux dirent clairement :
« Rangez-vous. »
François obliqua d’un pas, tout en engageant le fer avec Guillaume Pentecôte.
Au même instant, Beaurevers lançait une formidable ruade.
Atteint en plein dans les reins, Guillaume Pentecôte lança un hurlement de douleur. En même temps, il partit dans l’espace, lancé comme une balle, tomba sur les marches de l’escalier et roula comme une boule jusqu’au palier de l’étage au-dessous.
Et il faut croire qu’il avait été bien touché, car il demeura étendu au pied de cet escalier.
Derrière la porte que Beaurevers maintenait toujours, on entendait un grouillement, des trépignements, des cris, des injures. La porte s’entrebâillait et se refermait avec un bruit sourd. Il y avait bien une demi-minute que le chevalier soutenait le gigantesque effort. Il râlait.
François s’approcha de lui pour l’aider. Beaurevers haleta :
« Le sifflet !… Le sifflet !… »
François comprit. Il allongea la main vers le pourpoint de Beaurevers et y prit un petit sifflet qu’il savait trouver là sans doute.
Il y avait une fenêtre, une lucarne, sur ce palier. Elle donnait sur la rue des Marais. Un bond ; François est sur la lucarne. Un coup de poing : le châssis est levé, la fenêtre est ouverte, un coup de sifflet strident déchire l’espace.
François est de retour auprès de Beaurevers. Le chevalier est à bout de souffle, ruisselant de sueur. L’effort surhumain ne saurait être soutenu plus longtemps. Ses yeux injectés de sang montrent un recoin formé par l’aboutissement de l’escalier sur le palier qu’une barrière de bois entoure.
Et François comprend encore ce coup d’œil.
Et le voilà dans le recoin, contre le mur, dague et rapière aux poings.
Beaurevers souffle. François s’étonne. Pourquoi ne lâche-t-il pas cette porte contre laquelle il s’épuise ?
Beaurevers a son idée : il a soufflé, il réunit toutes ses forces pour le suprême effort. Il tire à lui encore une fois et des deux mains. Puis il prend son élan et brusquement il se lance en avant, à corps perdu, avec la porte.
Des hurlements de douleur indiquent que sa manœuvre a réussi : c’est-à-dire que le battant rejeté à toute volée a écrasé contre le mur un, deux, trois peut-être des enragés qui étaient derrière et voulaient sortir.
Sa manœuvre accomplie, Beaurevers avait bondi près de François. L’imprévu de cette manœuvre avait eu un autre résultat, appréciable pour lui : les estafiers qui s’acharnaient à vouloir sortir hésitèrent un instant en voyant la porte s’ouvrir enfin avec tant de violence.
Les quelques secondes qu’ils perdirent ainsi permirent à Beaurevers de reprendre haleine. Il jeta un coup d’œil étincelant sur François et le vit très résolu.
« Attention, monsieur, nous ne devons pas laisser notre peau ici, c’est entendu… Mais n’oubliez pas qui vous êtes, et que vous n’avez pas le droit de vous exposer témérairement. »
Ils n’eurent pas le loisir d’en dire davantage et François n’eut pas le temps de répondre. Les estafiers étaient sortis de l’appartement. Ils envahissaient le palier. Cela, bien entendu, avec des cris et des menaces et non sans force bousculades.
Il y eut un deuxième temps d’arrêt. Ces hommes s’étonnaient de l’absence de Guillaume Pentecôte, leur chef. Ils
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