Le Pré-aux-Clercs
François montèrent seuls.
Trinquemaille, Bouracan, Strapafar et Corpodibale demeurèrent en bas. Pris d’une sorte de pressentiment, Beaurevers, avant de monter, leur avait instamment recommandé de veiller.
L’escalier, large et spacieux, devenait à partir du deuxième, raide et si étroit que Beaurevers et François durent monter l’un derrière l’autre. Beaurevers était monté le premier. Et François, comprenant à quelle préoccupation il obéissait en agissant ainsi, s’était contenté de sourire.
« Tiens ! il n’y a qu’une porte sur ce palier ! »
Telles furent les premières paroles que prononça Beaurevers en mettant les pieds sur ce palier.
« Nous ne risquons pas de nous tromper », dit François en riant.
Mais Beaurevers ne riait pas, lui. Il était devenu pâle. C’est que, si François avait oublié ou n’avait pas fait attention, il se souvenait très bien, lui, que la femme qui était venue les chercher avait dit qu’elle demeurait sur le même palier que Fiorinda. Or, puisqu’il n’y avait qu’une porte sur ce palier, c’est qu’elle avait menti.
Pourquoi avait-elle menti ?
La réponse s’imposait avec une évidence criante. C’est qu’il avait été attiré dans un traquenard.
Maintenant, il fallait prendre une décision rapide. Mais pour cela, il fallait deviner la nature de ce danger et où il se dissimulait. Était-ce derrière cette porte qui, de son petit judas placé au centre, semblait les épier d’un œil louche ?
Ces réflexions et d’autres passèrent comme un éclair dans l’esprit de Beaurevers.
Ils étaient arrivés sur ce palier sans chercher à dissimuler leur présence. C’est-à-dire qu’ils n’avaient pas songé à étouffer le bruit de leurs pas, à baisser la voix lorsqu’ils avaient parlé. Les avait-on entendus de l’autre côté de la porte ? Y avait-il seulement quelqu’un ? Qui ?
D’un geste expressif, Beaurevers cloua François sur place, recommanda le silence. Et François, qui comprenait que quelque chose d’insolite leur arrivait, François, étonné mais inquiet, obéit docilement.
D’un bond souple et silencieux, Beaurevers fut sur la porte. Il la flaira, pour ainsi dire. À deux pas derrière lui, François observait attentivement.
Il n’eut pas le temps de l’étudier longtemps, cette porte. Elle s’ouvrit aussitôt toute grande devant lui.
XX – SUR LE PALIER
La porte s’ouvrit toute grande. Et Guillaume Pentecôte parut dans l’encadrement. De son air goguenard, il prononça :
« Donnez-vous la peine d’entrer, illustres seigneurs. »
Beaurevers n’attendit pas la fin de la phrase. Il leva le poing et, dans un geste foudroyant, il le projeta à toute volée en plein dans le visage du truand.
Mais son poing ne rencontra que le vide, il trébucha et serait tombé, s’il ne s’était retenu instinctivement au chambranle de la porte.
Guillaume Pentecôte avait prévu le coup. Il s’était replié sur lui-même à l’instant précis où il avait vu Beaurevers lever le poing. Il passa sous le bras en ricanant :
« Nous connaissons le coup… Nous avons appris à le parer. »
Il se redressa et lança à pleine voix :
« Sus ! Vous autres, sus !… »
À l’intérieur de l’appartement, une porte s’ouvrit violemment. Il y eut une bousculade, des clameurs, une ruée… Et cela vint, avec des jurons, des imprécations, se briser net devant la porte soudain fermée.
C’était Beaurevers qui venait de tirer à lui cette porte. Et son poing, comme une tenaille d’acier, se crispait sur la poignée du loquet, pendant que tous ses muscles tendus, solidement arc-bouter, il maintenait fermée cette porte que les autres, à l’intérieur, tiraient frénétiquement à eux. Et il se disait :
« Gagnons du temps, ne fût-ce que quelques secondes… Et, c’est peut-être le salut pour lui. »
Car son unique préoccupation en cet instant critique allait uniquement au roi.
Guillaume Pentecôte ne s’occupait pas de lui. Il comptait sur ses hommes pour cela. Son unique préoccupation à lui était d’expédier promptement ce gentilhomme qui ne lui paraissait guère redoutable et qui ne pèserait pas lourd entre ses pattes puissantes. Il serait temps de s’occuper de Beaurevers ensuite.
Et il n’avait pas perdu son temps. Aussitôt redressé, aussitôt son appel lancé, il avait eu le poignard à la main et il avait foncé sur François, le poing levé. Ce geste
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