Le Pré-aux-Clercs
fallait emporter d’assaut. Et sur cet escalier, il fallait passer un à un.
Cela renversait quelque peu les rôles, et cela était la cause de cette inquiétude que nous avons signalée. Mais cette inquiétude n’allait pas cependant jusqu’à le faire reculer devant l’attaque.
Elle se produisit enfin, cette attaque. Les truands et les écoliers s’engagèrent bravement dans l’escalier. La tactique consistait à franchir le plus rapidement possible les marches, de manière à aborder au plus vite Beaurevers, seul visible au haut de cet escalier.
Elle s’accomplit au milieu de vociférations énormes, de menaces intraduisibles, le tout destiné à impressionner l’ennemi.
D’un coup d’œil, Beaurevers avait recommandé l’attention à Corpodibale et à Strapafar qui se tenaient prêts brandissant chacun un escabeau, et que les assaillants ne pouvaient voir où ils étaient placés. Les deux braves laissèrent la bande s’engager sur les marches et monter. Puis, quand ils virent qu’une demi-douzaine d’hommes se trouvaient échelonnés sur ces marches, ils choisirent chacun leur point de mire et lancèrent leur escabeau dans le tas, à intervalle très rapproché.
Les deux projectiles tombèrent dans le dos des assaillants au moment où ils commençaient à espérer qu’ils allaient atteindre l’homme qui semblait les narguer du haut de ces marches. Ces deux béliers tombant coup sur coup dans le tas, y jetèrent le désordre et la confusion. Sans compter que trois hommes tombèrent et embarrassèrent les marches. Sans compter que Beaurevers descendit un peu, et de sa longue et formidable rapière, se mit à fouiller implacablement dans ce grouillement affolé d’où jaillissaient des plaintes et des râles étouffés.
Il y eut un arrêt très court. Guillaume Pentecôte vérifia le résultat obtenu. Hélas ! Il n’était pas encourageant, le résultat. Les six hommes qui avaient mis le pied sur les marches se retiraient, tous plus ou moins éclopés. Aucun d’eux n’était en état de recommencer.
Et cependant la même manœuvre recommença, trois fois de suite. Car ce qu’il y avait d’épouvantable dans cette affaire, c’est qu’aucune autre manœuvre n’était possible. Il fallait passer par là, y périr jusqu’au dernier… ou renoncer.
Et Guillaume Pentecôte, ne pouvait pas renoncer… Du moins pas encore.
Donc trois fois de suite, la rage au ventre, les estafiers de Rospignac tentèrent l’assaut. Et trois fois ils furent repoussés. Et trois fois nombre d’entre eux demeurèrent étendus sur le carreau.
Guillaume Pentecôte comprit à l’attitude de ses hommes qu’il ne serait pas obéi s’il ordonnait une quatrième charge. Il préféra ne pas s’exposer à une telle humiliation. Et il tenta une diversion.
Et tout à coup une décharge formidable ébranla la voûte : une fumée âcre, épaisse, envahit le petit escalier sur lequel, pour la quatrième fois, les assaillants se ruèrent en tempête. Du sein de la fumée noire jaillirent des bruits clairs de fers entrechoqués, des bruits sourds, suivis de rebondissements sonores, des grognements, comme un piétinement furieux.
Quand la fumée se dissipa, il n’y avait plus personne sur les marches. La bande comptait quelques éclopés de plus. Et là-haut, l’infernal Beaurevers, comme rivé au parquet, brandissait son épée rouge jusqu’à la garde et semblait les narguer de son rire insolent.
Ce fut la dernière tentative. Guillaume Pentecôte renonça à prendre pied dans la place.
Beaurevers comprit que, cette fois, il allait pouvoir disposer d’un assez long moment de repos. Il en avait besoin. Bouracan, Strapafar et Corpodibale, qui l’avaient secondé dans cette homérique résistance, tiraient la langue. Il crut donc pouvoir quitter un instant son poste.
Trinquemaille, qui n’avait pas quitté un instant le roi et qui, ainsi que le groupe des protestants, s’était contenté de demeurer simple spectateur, Trinquemaille, frais et dispos, fort mécontent intérieurement de son inaction, prit la place de Beaurevers. Deux protestants lui furent adjoints.
Tout le monde rentra dans l’appartement de Fiorinda dont toutes les portes furent laissées ouvertes, à seule fin de pouvoir répondre au premier appel des sentinelles placées sur le palier.
Soudain, Beaurevers se souvint de Fiorinda. Pour mieux dire, il ne l’avait pas oubliée un instant. Seulement, on comprend qu’il n’avait pas pu
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