Le Pré-aux-Clercs
bonne grâce et était allé s’asseoir sur le lit.
Toutes les portes et toutes les fenêtres étaient grandes ouvertes, moins la fenêtre du palier qui avait été fermée on ne savait par qui ni pourquoi.
Beaurevers, qui ne pouvait pas tenir en place, allait et venait d’un pas nerveux, de la fenêtre de la chambre à la fenêtre de la cuisine.
L’incessant va-et-vient de Beaurevers l’avait ramené une fois de plus à la fenêtre de la chambre. Une fois de plus, il passa la tête dehors et jeta un coup d’œil sur le jardin.
Mais cette fois il ne se retira pas avec un air désappointé, comme il l’avait fait jusque-là. Bien au contraire, après avoir fait signe à François de ne pas bouger, il se pencha davantage.
Un homme, en bas, venait de se détacher du tronc d’un arbre derrière lequel il se dissimulait. Et cet homme, c’était Ferrière.
Ferrière porta le doigt à la bouche, ce qui voulait dire : Silence. Puis il montra un objet qu’il tenait à la main et fit comprendre à Beaurevers qu’il devait s’écarter pour lui permettre de lancer cet objet qui était une pierre.
Beaurevers s’écarta aussitôt.
Vigoureusement projetée la pierre traversa la pièce et vint heurter violemment le panneau de la porte. Il bondit dessus.
Elle était enroulée dans une feuille de papier. Ce papier était lui-même maintenu par un long cordonnet qui s’allongeait sur le plancher, et dont l’extrémité pendait hors de la fenêtre.
Très calme, sans hâte, Beaurevers déroula le cordonnet, déplia la feuille et lut à haute voix :
Tirez la corde à vous. Descendez sans perdre un instant. Je vous attends sous la fenêtre.
VICOMTE DE FERRIÈRE.
Ils se penchèrent et adressèrent un geste amical à Ferrière, qui répondit par un geste recommandant encore le silence, et disant de faire vite.
Beaurevers tira sur le cordonnet et amena à lui une longue et forte corde. Il la plia en deux sur la barre de fer de la fenêtre et laissa tomber dehors les deux extrémités. Vivement, Ferrière entortilla les deux bouts dans la main. Pour tendre la corde et l’éloigner du mur, il alla l’enrouler au tronc d’un arbre et garda l’extrémité dans ses mains. Ceci fait, il eut encore une fois le même geste qui signifiait : « Vite ! Faites vite ! »
« Bouracan, commanda Beaurevers de son air froid, tu vas descendre le premier. Trinquemaille, tu suivras Bouracan. Et quand vous serez en bas, vous recevrez M. le comte, qui passera le troisième. Et quand vous l’aurez près de vous, je n’ai pas besoin de vous dire, n’est-ce pas, que personne ne devra l’approcher. Va, Bouracan, et fais vite. »
Bouracan saisit la corde dans ses énormes mains et se laissa glisser dans le vide.
Bouracan devait faire connaître qu’il était parvenu à terre en lançant un coup de sifflet bref. Et Trinquemaille se tenait prêt à enjamber dès que ce coup de sifflet aurait retenti.
Et au moment où ils pensaient entendre le signal de Bouracan, une explosion formidable se produisit.
La maison trembla sur ses assises à faire croire qu’elle allait s’écrouler entièrement. Une énorme gerbe de feu jaillit du trou noir de l’escalier. Une fumée noire, âcre, épaisse, envahit les combles et s’élança par la brèche en tourbillonnant. Puis ce fut le bruit assourdissant de choses énormes qui s’écroulent avec fracas, dans un nuage de poussière opaque.
Tout cela s’était accompli en un laps de temps n’équivalant pas peut-être au dixième de seconde.
Et, tout de suite après, ce fut la sinistre, l’effroyable pluie qui s’abattit sur la rue : briques, pierres, poutres brûlées, tiges de fer tordues.
Guillaume Pentecôte, enragé de ne pouvoir les prendre, avait eu une idée diabolique. Il avait scié et arracher l’escalier de bois, pour les obliger à demeurer là-haut. Par la force ou par la persuasion, il avait expulsé tous les locataires. Puis, quand la maison avait été vide, il avait fait placer immédiatement au-dessous du dernier palier un petit tonnelet plein de poudre, et avait fait mettre le feu à cette poudre.
Il espérait bien que l’explosion anéantirait ceux que, pour la galerie, il appelait les maudits hérétiques. Si par miracle – il faut tout prévoir – ils échappaient à l’explosion, s’ils n’étaient pas ensevelis sous les décombres de la maison qui, sans doute, s’écroulerait, ils n’échapperaient pas au feu qui ne manquerait pas de se
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