Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le prince des ténèbres

Le prince des ténèbres

Titel: Le prince des ténèbres Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul C. Doherty
Vom Netzwerk:
vaches comme l’attestait le bruit des seaux accrochés à sa palanche. Une autre soeur dont les manches relevées au-dessus des coudes révélaient des bras minces, mais musclés et hâlés, rentrait lentement du puits, habit relevé, un seau plein à ras bord à chaque main. À ses côtés, une petite fille sale aux pieds nus conduisait un troupeau d’oies criaillantes à leur enclos.
    Corbett fit le tour du domaine, franchit la porte de Galilée, ouverte à présent, et foula le sol desséché et poussiéreux du sentier qui longeait le prieuré en serpentant. Il avala de grandes goulées d’air en respirant toutes sortes d’agréables senteurs. Les branches des arbres qui bordaient le chemin dégouttaient encore de rosée. Coucous, ramiers et grives lançaient leur chant matinal dans l’ombre des épais feuillages. La cloche du prieuré tinta à nouveau, arrachant Corbett à son moment préféré de la journée. Il aspirait à pleins poumons l’air vif de cette belle matinée qui lui rappelait son manoir de Leighton et évoquait un flot d’autres souvenirs, plus anciens. Il ferma les yeux, savourant la paix et rassemblant ses forces pour affronter les soucis à venir. Il ne devait pas oublier que la sérénité placide de Godstowe cachait de noirs et fatals secrets qui menaçaient la Couronne elle-même.
    Il rouvrit les yeux et frotta sa barbe naissante. Se promettant de se raser aussi tôt que possible, il alla rejoindre Ranulf, encore mal réveillé.
    Les appartements du prieuré frappaient déjà par leur opulence, mais la chapelle, elle, aurait fait honneur à un grand seigneur ou à un baron. Une fresque murale, aux couleurs vives, représentait le Christ faisant irruption aux Enfers et libérant les âmes des griffes de démons au noir faciès, rendus plus effrayants par leur corps écarlate, velu par endroits. Quant à la massive clôture qui séparait l’édifice en deux, elle s’ornait, sur chaque pouce, de représentations gravées, d’un travail extrêmement fouillé, d’anges, de saints et de scènes du Nouveau et de l’Ancien Testament. Lorsque Corbett et Ranulf pénétrèrent dans le choeur, la prieure leur désigna un banc tout en se dirigeant, aussi majestueusement qu’un évêque, vers sa propre stalle. Corbett s’inclina en sommant, entre ses dents, Ranulf de cesser de grommeler contre l’arrogance de certaines femmes.
    Une fois assis, le clerc balaya du regard la chapelle. Les stalles, au prie-Dieu et au dorsal de chêne sculpté, entouraient les marches conduisant à la pureté de marbre blanc du saint des saints : le maître-autel couleur ivoire, recouvert, à présent, de linges précieux et éclairé par de lourds candélabres d’argent où brûlaient des cierges de cire vierge. Le soleil qui entrait à flots par la petite rosace faisait briller de mille feux et rendait presque aveuglants les coupes et les calices inestimables. En entendant du bruit, Corbett se retourna et jeta un coup d’oeil au-delà du choeur. Les paysans de la ferme, revêtus de leurs surcots poussiéreux, verts, bruns ou roux, entraient dans la chapelle à la queue leu leu et s’agenouillaient sur les dalles de la nef, puisque, selon la règle, ils ne pouvaient franchir la clôture.
    Corbett les observa et se revit des années en arrière, comme devant les fantômes de son propre passé. Son père et sa mère s’étaient comportés ainsi, autrefois. À peine plus riches que ces manants, et donc, par loi royale et décret divin, indignes de s’asseoir plus près de l’autel, ils avaient suivi de loin les gestes du prêtre, écouté ses sermons et étudié les fresques peintes pour leur éducation spirituelle.
    La sonnette tinta. Le père Reynard, en chasuble or et pourpre flamboyant, sortit majestueusement de la sacristie et se dirigea vers l’autel. Il s’arrêta au bas des marches, se signa et de sa voix puissante entonna l’introït :
    — J’irai vers l’autel de Dieu, le Dieu qui réjouit ma jeunesse !
    Corbett observa les religieuses siégeant de part et d’autre et scruta leurs visages. Elles semblaient satisfaites de leur sort et, pour la plupart, étaient loin d’être maigres, à part l’austère Dame Élisabeth qui faisait notablement exception. Dame Amelia, en habit de soie et guimpe bordée de dentelles, lançait des regards hautains, comme il seyait à une dame issue de la noblesse. Plongée dans ses prières, Dame Agatha arborait une expression sereine, bien que Corbett

Weitere Kostenlose Bücher