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Le prince des ténèbres

Le prince des ténèbres

Titel: Le prince des ténèbres Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul C. Doherty
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avait le rouge aux joues.
    — Nous avons si peu de visiteurs, expliqua-t-elle, tout agitée.
    Corbett revint sur ses pas.
    — Je suis navré que vous soyez enfermée dans un lieu où la mort a frappé. Je ne peux qu’imaginer votre chagrin et votre solitude.
    — Il y a une fête demain, l’interrompit-elle hardiment. À l’église paroissiale. Pour célébrer les moissons. Il faut que j’aille voir le père Reynard pour les hosties : il insiste toujours pour que nous utilisions celles, sans levain, qu’il cuit lui-même. Les chemins sont…
    — Ma soeur, plaça adroitement Corbett, ce serait un honneur pour moi que de vous accompagner.
    Dame Agatha le conduisit en silence à l’hôtellerie du prieuré et lui montra sa chambre, une pièce agréable et confortable, avec quelques meubles. Ranulf s’activait déjà à défaire leurs sacoches de voyage. Dame Agatha les quitta en leur annonçant qu’une fille de cuisine viendrait leur apporter leur repas, car la règle interdisait la présence de visiteurs au réfectoire. Corbett s’assit sur son lit et enleva ses bottes. Il attendit, pour parler, que le bruit discret des pas de la religieuse eût décru dans le couloir.
    — Alors, Ranulf, qu’en penses-tu ?
    Son serviteur s’affala sur la paillasse, en face de lui.
    — Pour des dames censées ne s’intéresser qu’à l’autre monde, répondit-il, acerbe, elles me semblent se préoccuper grandement de celui-ci. Par l’enfer, Messire, elles vivent comme des princesses !
    — Et la disparition de Lady Aliénor ?
    — Je pense qu’elles mentent toutes, et qu’elles le savent. La prieure a beau se donner des grands airs, elle est morte de peur.
    — Rien d’autre ?
    — Les deux sous-prieures, Dame Frances et Dame Catherine, se détestent. Avez-vous remarqué qu’elles n’échangent quasiment pas un seul regard ?
    Ranulf grimaça un sourire :
    — Et vous, mon maître ?
    — Je crois que Lady Aliénor n’est pas tombée dans l’escalier. Sinon, son corps aurait été couvert d’ecchymoses. Or je n’en ai vu que sur son cou et sur sa jambe. On l’a tuée ailleurs et déposée au bas des marches pour faire croire à un accident. J’ai aussi l’impression, ajouta-t-il à mi-voix, que la religieuse âgée a été assassinée dans son bain parce qu’elle avait été témoin de quelque chose, bien que Dieu seul sache comment je vais m’y prendre pour prouver tout ce qui s’est vraiment passé.
    Étendu sur son lit, il essaya de démêler l’écheveau des événements. Une servante leur apporta du potage, des pains mollets et du faisan froid farci aux épices et garni de légumes. Après qu’ils se furent rassasiés, Ranulf partit faire une petite promenade. Il en revint ébloui par le luxe et la beauté de ce qu’il avait vu. Corbett fixait le plafond, se demandant ce que faisait Maeve. Saurait-elle prendre soin d’elle-même ? Pourrait-elle se faire obéir du régisseur et du bailli ? Demain se tiendrait la cour de justice seigneuriale : John the Heywood demandait l’autorisation de marier sa fille à un homme du village voisin. William Attwood voulait envoyer son fils à l’école. Hik, le veneur, en moulant son grain chez lui, avait enfreint l’ordonnance stipulant l’usage du moulin seigneurial. Robert Arundel avait empiété d’un yard sur le terrain de son voisin. Maeve pourrait-elle résoudre ces problèmes ? La nuit tombait. Les paupières de Corbett s’alourdissaient. Il entendit, pêle-mêle, le glapissement d’un renard en maraude et les préparatifs de son serviteur sur le point de se coucher.
    — Ranulf ! chuchota-t-il.
    — Oui, Messire ?
    — Débrouille-toi pour rendre les figurines d’argent à la prieure.
    — Oui, Messire.
    Le lendemain, Corbett se leva dès potron-minet, réveillé par la cloche du couvent. Il fit ses ablutions dans une profonde bassine en cuivre placée dans le lavabo en bois, puis s’habilla et secoua Ranulf pour la première messe. La brume l’enveloppa tandis qu’il se dirigeait vers une petite ferme sise sur le domaine du prieuré. Il entendit les truies voraces avaler gloutonnement leur pâtée et un paysan héler ses fils par-dessus l’herbe encore sombre, en ce début de journée, et leur ordonner de ranger houes et pioches pour se préparer à aller à la messe. L’une des religieuses, au visage pâle comme la craie, les yeux lourds de sommeil, parlait à une soeur converse qui revenait de traire les

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