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Le prince des ténèbres

Le prince des ténèbres

Titel: Le prince des ténèbres Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul C. Doherty
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ce que Dame Arrogance, la prieure, m’envoie chercher. Je suis retourné alors à Godstowe, j’ai récité des prières pour l’âme de cette malheureuse, lui ai administré l’extrême-onction et suis reparti ; mais venez ! vous me poserez vos questions ailleurs. J’ai à faire dans l’église.
    Il sortit de la maison. Le clerc le suivit, nullement désarçonné par ses menaces. Le père Reynard aspirait à mener une vie d’ascète, mais il cachait quelque chose. On aurait dit qu’il voulait éloigner son visiteur avant que ce dernier ne remarquât quelque détail bizarre dans le presbytère.
    L’église bourdonnait d’activité. Les villageois avaient tiré dans la nef une énorme charrette, surmontée d’un griffon doré et ornée, en son fond, d’une toile peinte, représentant grossièrement la gueule de l’Enfer. Les deux autres côtés, drapés de bougran coloré, délimitaient sommairement la scène d’un mystère. L’accueil fait au père Reynard fut très chaleureux. Il était évident, constata Corbett, que ses paroissiens l’admiraient et même l’aimaient. Le clerc contempla le modeste sanctuaire, récemment décoré. Un peintre achevait, à grands traits vigoureux, le portrait de l’Ange de l’Apocalypse surgissant du soleil levant. Certains bancs étaient neufs, le choeur et la clôture avaient été refaits. Corbett attendait. L’entretien du prêtre et des villageois s’acheva.
    — Notre église vous plaît-elle, Messire ? demanda fièrement le franciscain.
    — Oui, vous en avez accompli, du travail ! Vous devez avoir un bienfaiteur généreux !
    Le prêtre détourna le regard.
    — Le Seigneur nous a comblés de ses bienfaits, murmura-t-il. Et ses voies sont impénétrables.
    — Sauf pour les deux malheureux enterrés dans votre cimetière.
    Le franciscain fronça les sourcils :
    — Que voulez-vous dire ?
    — Il y a environ dix-huit mois, enchaîna Corbett, on a retrouvé, dans les bois, le cadavre de deux inconnus, un adolescent et une femme, complètement dépouillés de leurs vêtements et de leurs biens.
    — Ah oui !
    Le père Reynard fixa un point au-dessus de la tête de Corbett.
    — C’est exact, reconnut-il à voix basse. On les a ensevelis dans la fosse commune, sous le vieil orme, dans un coin du cimetière. Pourquoi cette remarque ?
    — Pour rien en particulier. Je me demandais si vous saviez quelque chose à leur sujet ?
    — Non, sinon, je l’aurais dit aux enquêteurs royaux, mais on n’a jamais rien découvert sur eux ni sur les circonstances de leur mort atroce.
    Le père Reynard se retourna pour parler à l’un de ses paroissiens alors que Dame Agatha et Ranulf entraient dans la nef. Ranulf avait le visage cramoisi. Il avait dû pas mal goûter à la forte bière de la taverne, pensa Corbett, qui le foudroya du regard. Mais son serviteur lui adressa une grimace narquoise en vacillant légèrement, avant de contempler l’église avec admiration. Dame Agatha prit le père Reynard par la manche et ils s’éloignèrent, la jeune religieuse élevant la voix pour s’excuser d’être en retard et lui demander de lui donner les hosties maintenant, car elle devait retourner au prieuré. Corbett entraîna son serviteur sous le porche.
    — Alors, la bière était bonne ?
    Ranulf, avec malice, fit un signe de connivence.
    — J’ai renoué connaissance avec la servante du Taureau . J’en ai appris de belles, Messire, et pas seulement au sens charnel.
    Il s’humecta les lèvres.
    — Les apparences sont trompeuses, par ici.
    — Je l’avais deviné, confirma sèchement Corbett. Que sais-tu de neuf ?
    Il allait répondre lorsque Dame Agatha réapparut, portant les hosties dans un coffret en bois. Ils traversèrent alors la place pour aller récupérer leurs chevaux tandis que le soleil d’automne descendait déjà à l’horizon. Les villageois, fatigués, mettaient fin aux festivités et s’égaillaient sur le pré communal pour se diriger soit vers la taverne, soit vers leurs foyers où les attendaient d’autres divertissements. Laissant Ranulf somnoler, affalé sur sa selle, Corbett attendit que la jeune femme arrivât à sa hauteur.
    — Je crois que les funérailles de Lady Aliénor auront lieu demain, n’est-ce pas ?
    Son interlocutrice sembla mettre toute son âme dans le regard qu’elle lui décocha. Il en eut le souffle coupé. À l’exception de Maeve, il n’avait jamais vu dame plus belle. La lumière

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