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Le prince des ténèbres

Le prince des ténèbres

Titel: Le prince des ténèbres Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul C. Doherty
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d’approcher. Il vint se placer derrière le grand lutrin en chêne sculpté et, respirant profondément pour effacer un brin de nervosité, fixa les religieuses qui, assises dans leurs stalles, paraissaient sereines dans l’habit noir et la guimpe blanche de l’ordre. Il surprit le sourire espiègle que lui adressait Dame Agatha et se sentit réconforté par l’amitié qu’elle lui témoignait.
    — Dame Amelia…
    Son appréhension revint devant le mur de silence qui accueillit ses paroles.
    — Dame Amelia, répéta-t-il, révérendes soeurs, un crime atroce fut commis près de Godstowe, il y a dix-huit mois. Une jeune femme et son compagnon furent assassinés de façon barbare.
    Un faible soupir collectif lui répondit.
    — Je désire vous poser une question et vous prie d’y répondre de par votre allégeance à Dieu, au roi et à votre ordre.
    Corbett maudit in petto son emphase pompeuse.
    — L’une d’entre vous connaîtrait-elle l’identité des victimes ou la signification de l’expression Noli me tangere , qui peut être la devise d’une famille ?
    Corbett espéra en son for intérieur qu’aucun esprit mal placé ne lancerait de repartie et il rougit en entendant certains gloussements.
    — Je vous le demande encore une fois, reprit-il, les joues en feu. Cette expression vous dit-elle quelque chose ?
    Il observa les rangées silencieuses. Certaines soutirent son regard, yeux écarquillés, bouche bée. Dame Agatha avait le visage dans les mains et Corbett la soupçonna de se moquer de lui. Il n’y eut aucune réponse. Corbett s’inclina vers Dame Amelia, s’écarta du lutrin et sortit d’un pas tranquille de la chapelle. Il attendit un peu dans l’obscurité, espérant que l’une des religieuses, Dame Amelia ou Dame Agatha, le suivrait, mais personne ne le rejoignit. Il regagna alors l’hôtellerie où Ranulf et Maltote s’affrontaient en une féroce bataille de dés.
    — Prends garde à Ranulf ! s’écria Corbett. L’habit ne fait pas le moine !
    Les joueurs ne l’entendirent pas. Il se laissa tomber sur son lit et s’efforça de mettre de l’ordre dans ses idées.
    « Lady Aliénor était morte pendant l’office de complies alors que les autres soeurs se trouvaient dans la chapelle. Toutes s’étaient rendues ensuite au réfectoire.
    « Lady Aliénor avait été vue vivante pour la dernière fois juste avant le début de l’office par Dame Martha et Dame Élisabeth. La première avait remarqué quelque chose d’étrange, mais n’avait pu que répéter : Sinistra, non dextra, c’est-à-dire : La gauche, pas la droite.
    « Des cavaliers s’étaient approchés du prieuré. Qui étaient-ils et qui les avait envoyés ?
    « Lady Aliénor se préparait à fuir et à rejoindre son amoureux secret. De qui s’agissait-il ? « D’une façon ou d’une autre, Craon était mêlé à cette affaire et le père Reynard s’était involontairement laissé soudoyer.
    « Le prince avait juré qu’il n’avait rien à voir dans la mort de Lady Aliénor, mais son favori et lui étaient bien nerveux.
    « Gaveston détestait Lady Aliénor, et lui, il était vraiment capable d’assassiner de sang-froid.
    « La mort du mystérieux adolescent et de la jeune femme, dix-huit mois auparavant, était la clef de l’énigme entourant le décès de Lady Aliénor, mais qui étaient-ils et que signifiait la devise Noli me tangere  ? »
    Les questions ne cessaient de tournoyer dans l’esprit du clerc. Il pensa à Maeve et se rendit compte qu’elle lui manquait terriblement. Il revit le visage souriant de Dame Agatha avant de s’enfoncer dans un sommeil sans rêve, tandis que Ranulf et Maltote se querellaient pour des histoires de malchance aux dés.

CHAPITRE X
    Dans sa chambre, au presbytère, le père Reynard était également perdu dans ses pensées. Avait-il eu tort d’accepter l’or et l’argent de Craon ? Il revit la veuve dans sa méchante cabane au bout du village et sa gratitude lorsqu’il lui avait remis une bourse. Non, il avait eu raison d’agir ainsi. Il prêta l’oreille aux bruits du dehors. Il était né en automne et l’automne revenait. Le vent soufflait plus fort, fouettant les branches et les dépouillant de leurs feuilles flétries. Bientôt, ce serait la Saint-Michel, puis la Toussaint, la saison où l’on pensait aux morts…
    Il se sentit un peu perplexe. Ces inconnus, ceux qu’il avait enterrés dans une pauvre tombe sous le vieil orme, qui

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