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Le prince des ténèbres

Le prince des ténèbres

Titel: Le prince des ténèbres Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul C. Doherty
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trop affamé et affaibli pour pleurer ?
    Les yeux du prêtre flamboyèrent.
    — Je vous le dis, Messire, un jour les pauvres se révolteront et il y aura de terribles règlements de comptes. Dites-moi, qu’auriez-vous fait à ma place ?
    Corbett se pencha et posa la main sur le coude du franciscain, heureux de voir qu’il ne bronchait pas.
    — Je crois que j’aurais agi comme vous, mon père.
    Le clerc retira sa main et but le vin coupé d’eau.
    — Je sais que vous n’êtes ni espion ni traître, mais Craon est un être impitoyable. Il n’a ni principes, ni Dieu, ni code de chevalerie, rien, sinon un maître, le roi de France, qui se prend pour un nouveau Charlemagne. Si Craon a tissé sa toile autour de vous, mon père, vous êtes en danger !
    Le prêtre souffla avec mépris en détournant le regard.
    — Mon père, Craon se doute que je connais l’identité de son informateur. Il va m’attaquer et peut très bien tenter de vous atteindre. Ne craignez rien de la part du roi ! Je vous obtiendrai des sauf-conduits, mais vous devez vous cacher pendant quelque temps. Vous feriez mieux de ne pas rester ici !
    Le père Reynard refusa d’un geste et leva des yeux où se lisait le fanatisme.
    — Je suis le bon pasteur, pas le mercenaire ! Je ne fuirai pas devant le loup.
    Il se détendit en souriant.
    — De toute façon, Corbett, n’oubliez pas que j’ai été soldat !
    Corbett se résigna.
    — Je ne peux vous forcer la main, mon père, mais prenez mon avertissement au sérieux.
    Il ajouta, après un silence :
    — Que sait-il exactement ?
    — Ce que je lui ai dit. Que Lady Aliénor était morte…
    Le prêtre sourit.
    — … morte dans des circonstances extrêmement suspectes. Vous vous doutez, Messire, que j’ai vu nombre de cadavres dans ma vie. Or une femme qui tombe dans l’escalier ne gît pas en bas des marches comme si elle était endormie !
    — Rien d’autre, mon père ?
    — Non ! Vous en savez autant que moi.
    Corbett se leva.
    — Alors je vous souhaite le bonsoir et vous recommande la plus grande prudence.
    Le père Reynard regarda au loin, balayant l’avertissement d’un sourire. Corbett sortit par le cimetière désert. Le soleil disparaissait à l’horizon, boule de feu embrasant l’ouest, et ses derniers rayons allumaient les tons verts et brun-roux de l’enclos funèbre. Au sommet d’un orme, un oiseau solitaire égrenait sa propre litanie des morts. Corbett observa les alentours. Le corps de la jeune femme et de son compagnon, avait dit le père Reynard, reposaient sous un vieil orme. Qui étaient-ils ? Quels secrets avaient-ils emportés dans la tombe ? Ces questions ne cessaient de le harceler, tandis qu’il contemplait le cimetière : un endroit silencieux, paisible… et pourtant il pressentait une terrible menace. Était-il observé ? Il avait souvent ressenti cette impression dans les ruelles tortueuses et sombres de Londres, mais ici, près de la Maison de Dieu ? Une brindille se brisa avec un bruit sec. Corbett se retourna d’un bloc et scruta la pénombre au-delà du presbytère.
    — Qui va là ? demanda-t-il à mi-voix.
    Nul son ne lui répondit, hormis le doux bruissement des feuilles lorsque le vent se leva et les poussa dans l’herbe comme autant de pièces d’or. Corbett tendit l’oreille et grimaça un sourire. La brise vespérale lui apportait aussi des bribes de chansons et il reconnut les braillements vigoureux de Ranulf.
    Il poussa la porte à claire-voie et traversa le pré communal qu’envahissait le crépuscule. Comme il s’en doutait, Ranulf avait fait succomber Maltote à la tentation. Brandissant des chopes de bière écumante, les deux hommes se tenaient au beau milieu des villageois en deuil et les entraînaient, d’une voix éraillée, à chanter le triste sort d’une fille d’aubergiste. Corbett les rejoignit et attendit que les chopes fussent vides avant de contraindre amicalement son serviteur à aller chercher les chevaux. Puis ils reprirent le sentier désert qui menait à Godstowe.
    Bien sûr, Ranulf et Maltote étaient devenus les meilleurs amis du monde. L’air innocent, d’ailleurs, Ranulf demandait à son compagnon s’il jouait aux dés. Un divertissement, confessait-il, qui l’attirait fort, mais pour lequel il était peu doué. Corbett allait mettre la puce à l’oreille de Maltote quand il se raidit. On les suivait, en se faufilant entre les halliers, parallèlement au sentier. Il

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